Le Beaujolais cherche ses premiers crus

Le Beaujolais cherche ses premiers crus

Le Beaujolais, belle région viticole au sud de la Bourgogne et au nord de Lyon, est en plein essor. Ses crus et appellations-villages gagnent en reconnaissance et doucement mais sûrement, on commence à envisager des premiers crus au sein même des 10 crus.

A l’image de la Bourgogne, les crus du Beaujolais cherchent leurs premiers crus. Cela a commencé en 2023 à Fleurie : le célèbre cru du Beaujolais a déposé son dossier à l’INAO pour obtenir le classement. Il est suivi de près par le cru Brouilly et le cru Moulin-à-Vent la même année. L’inspiration vient peut-être de leur voisin bourguignon le plus proche, l’AOC Pouilly-Fuissé, qui a œuvré pendant 10 ans avec l’INAO pour obtenir la reconnaissance en 2021. La route est longue mais le chemin a été pris en Beaujolais !

Comment devient-on premier cru ?

D’abord c’est une décision qui doit être prise par le vignoble. Les vignerons de Fleurie ont adhéré à 85%. Les réticences viennent surtout du fait que le détachement de certaines parcelles pour devenir premier cru peut être la cause de tensions entre les vignerons, c’est aussi ajouter un degré de complexité dans la compréhension du vignoble.

L’adhésion est massive sur chaque appellation, les vignerons ont voté favorablement à cette initiative. La réflexion a commencé il y a une dizaine d’années sur les meilleures manières de valoriser les vins, une stratégie gagnante également prise par l'Inter Beaujolais qui a créé la catégorie “Beaujolais d’Exception”. Il y a un mouvement général vers la reconnaissance des lieux-dits historiques des appellations, qu’on revendique fréquemment sur les étiquettes.

Devenir premier cru, ça ne s’invente pas ; Il y a eu une réelle étude de terrain menée par la Chambre d’Agriculture du Rhône associée à un bureau d’étude pédologique qui se sont penchés sur la géologie des lieux-dits. Les années de travail ont permis de réaliser un travail cartographique. Cette étude a permis d’établir les cartes de composition des terrains de chaque cru et de souligner leur extrême richesse, notamment en roches granitiques.

Au-delà du terrain, la recherche est également sur les écrits historiques et contemporains. On recoupe les différents textes marquant la notoriété d’un lieu-dit, on analyse le prix des vins au fil du temps, on résume les pratiques culturales et le savoir-faire vigneron.

Fleurie est par exemple le roi du granite rose sur 840 hectares, il domine la vallée de la Saône, dos à une chaîne de crêtes. Son altitude est moyenne entre 200 et 475m. Les granites sont parfois décomposés, le sol est très ancien.

Finesse et élégance : le potentiel de garde d’un premier cru

Les plus grands vins de Fleurie ou de Moulin-à-vent sont fins et élégants avec une belle structure. Ils ont un potentiel de garde plus grand que les crus. Pour valider ce paramètre, les vignerons ont fait beaucoup de dégustations comparatives à l’aveugle sur les différents lieux-dits, noté leurs différences de profils aromatiques et leur aptitude au vieillissement.

Les lieux-dits retenus

Après ces études géologiques, historiques et aromatiques, 7 lieux-dits sur les 48 de l’appellation Fleurie ont été retenus pour être proposés à l’INAO sur le cru Fleurie. Certains que vous connaissez peut-être déjà, comme la Madone, du nom de la chapelle qui surplombe le cru. Dans l’ordre : Les Moriers, Poncié, Les Garants, La Madone, La Roilette, Grille Midi et La Chapelle des Bois. Ils représentent aujourd’hui 27 % de l’appellation. Déposé fin mars 2023, le dossier prendra encore des années avant d’être validé.

À l’aube de son centenaire, le cru Moulin-à-Vent retient 14 lieux-dits fin en décembre 2023 : Au Michelon, Aux Caves, Carquelin, Champ de cour, Chassignol, La Roche, La Rochelle, la Tour du Bief, le Moulin-à-Vent, les Perelles, les Rouchaux, les Thorins, les Vérillats et Rochegrès.

A Brouilly, 16 lieux-dits sont retenus : Reverdon, La Chaize, Combiality, Garanches, Pierreux (Odenas), Pissevieille, Voujon, La Terrière, La Martingale, Les Maisons Neuves (Cercié), Briante, Marquisat, La Perrière (Saint-Lager), Combiaty (Saint-Etienne-La Varenne), Saburin (Quincié-en-Beaujolais), Saint-Pierre (Charentay). La démarche devrait être suivie en 2024 pour le cru Côtes-de-Brouilly.

Cahier des charges des premiers crus

Les premiers crus de Fleurie auront un maximum de production moindre que les crus classiques, soit 52 hectolitres/hectares au lieu de 56 à Fleurie et 50 hl/ha en Moulin-à-Vent. Un différence qui n’est pas très grande quand on sait qu’aujourd’hui les rendements ont tendance à être à la baisse.

A Fleurie par exemple, la date de lancement des vins sera plus tardive que les crus classiques avec une mise en marché en septembre au lieu de février, une différence notable et qui va dans le sens de la capacité de vieillissement. Les degrés minimums sont plus élevés mais restent très bas (11,5° contre 10,5°) ce qui est loin de la réalité aujourd’hui (13°).

Concernant le mode de culture, on ira certainement plus loin dans quelques années. L’interdiction de désherbant chimique a été définie pour les vignes plantées à plus de 1m20 seulement (lisez aussi notre article Pourquoi traite-t-on la vigne ?

Les autres crus du Beaujolais vont certainement suivre et il faudra encore probablement une petite dizaine d’années avant que les premiers crus soient officiellement validés. Des avancées positives pour la région, qui ne sont pas sans générer des questionnements sur le contrôle de la qualité et la gestion de l’humain au sein des appellations.

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