Concours du meilleur sommelier du monde : le Beaujolais retrouve sa place

Concours du meilleur sommelier du monde : le Beaujolais retrouve sa place

Depuis 20 ans, le Beaujolais se réinvente.
Après des années de crise, puis d’efforts de reconstruction et de revalorisation, le vignoble a franchi une étape majeure en matière de valorisation, avec la présence de ses cuvées au concours de Meilleur Sommelier du Monde en février 2023 (remporté par le letton Raimonds Tomsons, et la participation de la française Pascaline Lepeltier, se classant 4ème).
L’occasion de replonger dans l’histoire à rebondissements de ce vignoble, et sur la signification de ce nouveau jalon, porteur de grand optimisme pour l’avenir du Beaujolais.

Le Beaujolais - Crédit photo : Pauline Gonnet
Le Beaujolais - Crédit photo : Pauline Gonnet

Un vignoble qui a tout pour lui

L’histoire du Beaujolais est aussi vallonée que ses reliefs.
D’abord au pinacle jusqu’à la moitié du 20ème siècle, avec des vins produits en appellation Moulin-à-Vent qui se vendaient plus cher que des Gevrey-Chambertin déjà fort réputés, puis l’arrivée des Beaujolais Nouveaux, pour glisser vers le creux de la vague au début des années 2000, avant d’amorcer une renaissance dont l’année 2023 marque un jalon important.
Si le vignoble a pu atteindre les sommets, c’est parce que les terroirs sont là. Principalement granitiques dans les crus et argilo-calcaires dans les appellations Beaujolais et Beaujolais Villages, aux infinies nuances géologiques (plus de 300 types de sols), ils offrent une palette de diversité des vins non seulement incroyable, mais qualitative.
Quant au cépage gamay, le plant déloyal de Philippe le Hardi qui le fit bannir de Bourgogne pour n’y laisser que le pinot noir, au rendement moindre ; Il est lui aussi polyvalent, à l’image des terroirs sur lesquels il s’épanouit.
Souple et fruité, ou tanique, élégant, structuré : plusieurs expressions de ce cépage sont possibles.
Le potentiel du Beaujolais est donc en place depuis des siècles. Mais comme dans tout bon récit, ce sont les humains qui écrivent les victoires comme les défaites.

De la comédie à la tragédie

Impossible d’expliquer fidèlement les péripéties du vignoble en un article, dont les causes sont toujours multifactorielles. Mais on peut toutefois retenir l’épisode du Beaujolais Nouveau comme pierre angulaire des (més)aventures.
Vin primeur mis en bouteille dans les 2 mois qui suivent la vendange, il date de l’antiquité et se savoure sur la souplesse et le fruit. Vin de plaisir et de soif, il n’avait d’autre vocation que d’accompagner l’entrée dans l’hiver de manière festive. Créé commercialement dans les années 50, le succès fut intense, et abreuva autant les gorges du monde entier que les caisses des vignerons (mais pas tous).
La poule aux œufs d’or s’engraissa, commença à ne plus marcher droit, et à faire un peu n’importe quoi. Les modes passant, la qualité se dégradant et les dérives grandissant, arriva le temps de payer la facture au début des années 2000, emportant avec elle plus qu’un prix simplement économique.
C’est le vignoble entier qu’il fallait reconstruire : les parcelles de vignes, les vigneron(ne)s (ceux qui avaient exclusivement surfé sur la vague du nouveau comme celles et ceux qui n’avaient rien sacrifié à la qualité de leur production), la vinification, l’image de marque.

L’enjeu de la valorisation et de l’image de marque

Après la douloureuse prise de conscience, vint le temps de se retrousser les manches. Les vignobles les plus forts ont une chose en commun : le collectif et la structuration de la profession. En plus des défis viticoles se sont ajoutés les défis politiques.
Depuis plusieurs années, les liens se sont retissés et renforcés, des actions collectives mises en place.
Comme, entre autres, le partenariat entre les vins du Beaujolais et le concours du Meilleur Sommelier du Monde (ayant eu lieu à Paris, pour la première fois à nouveau en France depuis 35 ans), à la visibilité internationale incontestable.
Cela va bien au-delà d’une simple présence à un événement.

Le bar des sommeliers - Crédit photo : @ASI HRVPROD
Le bar des sommeliers - Crédit photo : @ASI HRVPROD

Les autres partenaires du concours étaient notamment Dom Pérignon, l’Union des Grands Crus de Bordeaux, l’appellation Cognac. Impliquant une présence tout au long du concours via un Wine Bar à disposition des candidats pour découvrir les cuvées du vignoble, ainsi qu’une master-class que nous conseillons à nos lecteurs anglophones (animée par Gaëtan Bouvier, Meilleur Sommelier de France, Edouard Parinet et Marine Descombe, vignerons au Château du Moulin-à-Vent et au Château de Pougelon) et la présence d’une cuvée beaujolaise pour accompagner le dîner de gala de clôture.

Soirée d'ouverture - Crédit photo : @ASI HRVPROD
Soirée d'ouverture - Crédit photo : @ASI HRVPROD

Vidéo Masterclass du 11 février 2023
Vidéo Masterclass du 11 février 2023

Comme le souligne le président de l’interprofession, Daniel Bulliat, rien n’est ni gagné, ni acquis, en revanche les planètes s’alignent.
Ce positionnement auprès des grands, dans des événements à forte notoriété, doublé d’un contexte où les efforts qualitatifs sont aujourd’hui visibles, sont autant d’indicateurs encourageants sur lesquels le vignoble devra s’appuyer afin de poursuivre son unification et sa progression, pour, enfin, faire fi du passé et retrouver ses lettres de noblesse, à la hauteur de ses grands terroirs.
Charge aux consommateurs de se débarrasser quant à eux de leurs aprioris pour redécouvrir ce vignoble et débusquer les cuvées qui, sans aucun doute, les transporteront.

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