Florent Ladeyn : l’Etoile du Nord

Florent Ladeyn : l’Etoile du Nord

Photo de couverture : Florent Ladeyn et Clément Dubrulle

Le vent du nord a du bon.
Florent Ladeyn exhale un souffle puissant, une vision de la cuisine que certains diraient iconoclaste, qui est surtout pleine de bon sens, d’intelligence, de créativité et d’un engagement réjouissant.
Elle est, à l’image de sa coiffure, originale et a priori peu conventionnelle, mais terriblement efficace pour sublimer l’ingrédient premier.
Les poireaux ne font pas rêver le grand public, l’endive non plus, la betterave pas tellement plus : on s’en fout, là n’est pas la question, c’est local, et c’est la pierre angulaire de l’approche de Florent. Entre ses mains et celles de ses équipes, ces produits trouvent une légitimité et des apparats que n’ont rien à leur envier les légumes et cuisines sudistes. Florent vient de récupérer son étoile momentanément disparue au Guide Michelin pour son établissement de l’Auberge du Vert Mont.

L’Auberge du Vert Mont, tenue par Florent Ladeyn
L’Auberge du Vert Mont, tenue par Florent Ladeyn

Rewind

Pour les réfractaires du petit écran et celles/ceux qui n’ont jamais mis les pieds en Flandre, voici de quoi faire connaissance avec Florent.
Fils de cuisinier, il reprend l’Auberge familiale du Vert Mont à Boeschepe, dans les monts de Flandres. A la même époque, il se qualifie pour la finale de Top Chef.
Dans la foulée, il ouvre le Bloempot à Lille (signifiant pot de fleur), déclinant ses créations culinaires du Vert Mont, puis, toujours à Lille, un autre concept : le Bierbuik/Bloemeke, l’estaminet nouvelle génération (l’estaminet étant un café/restaurant populaire flamand), à la fois lieu de restauration autour d’une cuisine au feu de bois, 100% locale, primitive, brute et délicate et lieu de brassage qui sert ses bières éphémères et originales composées à partir d’ingrédients régionaux.

Philosophie holistique

Ma façon de travailler est un process, c’est fort, mais c’est pas facile. Si je n’avais pas trouvé un sens à ce métier, j’aurais arrêté depuis longtemps. J’ai besoin de donner du sens, de justifier l’investissement ; Juste transformer des ingrédients, c’est pas suffisant. Je ne le vois pas comme un sacrifice, même si je passe évidemment beaucoup de temps au boulot, mais je m’organise, ce soir, je dînerai avec ma fille avant le service, demain, je ne sais pas.
Décider de donner l’exclusive priorité aux produits locaux est un engagement réel et concrètement exigeant.
Pas de poivre, pas de café (remplacé par la chicorée), pas de citron, pas d’huile d’olive : la base même de la cuisine est entièrement revue au travers du prisme de la localité (aucun ingrédient ne doit avoir fait plus de 100 kms jusqu’à sa cuisine, parce que faire 20 000 kms pour 20 secondes, c’est quand même un peu con), sans parler de la saisonnalité.

Florent n’importe rien et ne congèle rien. Le vert de poireau ? Il en fait une huile. La betterave et le champignon ? Un dessert, respectivement en sorbet et en tartelette.
Au-delà de la créativité indispensable et dont il fait plus que preuve, cet engagement a un coût : en moyenne, il achète les produits de son maraîcher 2,5 fois plus cher.
Ce qui donne, dans l’assiette, une priorité marquée aux saveurs fumées, amères, acides. Les becs sucrés risquent de ne pas y trouver leur compte, et les autres de s’extasier devant chaque plat.

Nous avons testé un dîner au Bloempot fin mars 2022, avec une mention spéciale pour la tartelette aux champignons en dessert, et surtout, les gnocchis à la courge, crème d’algues fumées, jaune d’œuf séché et crème de foie de morue. Une véritable symphonie nordique : à l’image d’un grand cru, chaque bouchée dévoile des saveurs et un équilibre différent de la précédente, mais toujours divins et surprenants, où l’individualité de chaque ingrédient reste entière et dont la combinaison crée un ensemble avec son identité propre.
Si Florent devait conserver un seul produit emblématique des Flandres, ce serait la betterave rouge. La patate, tout le monde connaît ; l’endive, j’adore, mais pour la décliner, c’est pas toujours simple. Alors que la betterave, c’est génial : hier soir j’ai fait un yakitori de betterave au feu de bois avec un sabayon ail des ours, jus de légumes réduits, et raifort râpé. Crue, cuite, brulée, tout est bon avec la betterave.

Crédit photo : Pauline Gonnet
Crédit photo : Pauline Gonnet

Accords liquides

J’adore le vin. Et ceux que j’adore, ce sont les vins du Jura, comme le pinot 2018 de mon copain Alexis Porteret, au domaine des Bodines. J’ai découvert cette région par hasard, je partais en voyage en Slovénie, et je me suis arrêtée en chemin pour goûter. Je n’ai jamais vu la Slovénie, au final… et ai passé mes vacances dans le Jura. J’aime la fraîcheur, la buvabilité de ces vins. Et des vins natures. Mon dernier coup de cœur : un vin blanc du domaine Lestignac, en Bergerac : j’adore ces arômes de caillou fumé, de pierre qui a chauffé au soleil pendant des heures, ça je veux absolument en garder pour les premières asperges blanches qui vont arriver.

Son amour pour le vin, additionné à son ancrage local et son amour des bières donnent des accords mets et boissons qui naviguent entre les deux.
Sept plats, sept verres lors du dîner au Bloempot, dont trois étaient de la bière qui a l’avantage d’une « palette aromatique immense : on peut faire de la bière avec du sel, des algues, des fruits, des légumes, des bières braisées, enfin bref, c’est beaucoup plus large que le vin.

Florent Ladeyn et Orane Vanheule
Florent Ladeyn et Orane Vanheule

Orane Vanheule, la sommelière de la maison, déborde de créativité pour faire naître de nombreuses compositions liquides, à l’image d’un récent kombutcha aux branches de cassis. De manière générale, la fermentation est une technique que j’aime : je fais du pain, je brasse. Et Orane maîtrise la fermentation liquide, proposant parfois des trucs incroyables en cuisine, par exemple un bouillon d’algues (dashi) qu’elle a suggéré d’associer à du veau. Je n’y aurai jamais pensé, et ça fonctionne super bien.

Rendez-vous à Lille, à Boeschepe, et bientôt à Dunkerque et Béthune pour deux nouveaux Bierbuik !

Crédit photos : Anne-Claire Heraud

Retrouvez un autre article Toutlevin dédié à un ancien candidat Top Chef, devenu un chef à ne pas manquer 😉 : Denny Imbroisi, le plus italien des chefs parisiens.

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