Primeurs 2020 par Bernard Burtschy : les 150 meilleures notes

Primeurs 2020 par Bernard Burtschy : les 150 meilleures notes

Les vins du millésime 2020 viennent d’être présentés  en primeurs  à Bordeaux en l’absence des acheteurs et des dégustateurs du monde entier, confinés dans leurs pays respectifs. Les vins, très fragiles à ce stade, seront mis en bouteille dans dix-huit mois et ont été expédiés à travers le monde avec plus ou moins de succès. Nous avons eu la chance de les déguster sur place et pour beaucoup  à l’aveugle . Que faut-il en penser ?

Un millésime 2020 en deux parties

Étonnant millésime 2020 à Bordeaux. Le millésime 2020 est d’abord étonnant par sa climatologie. Après un printemps très pluvieux, le millésime 2020 est un millésime très sec, un des plus secs des trente dernières années. Les deux facettes laisseront des traces.

Première facette, ce printemps pluvieux occasionnera un peu de casse dans certaines propriétés par le mildiou. Heureusement, le mildiou du millésime 2018 était déjà passé par là et les propriétés étaient mieux armées, mais certains ont perdu 10 hl/ha dans cet épisode qui explique des rendements moindres. D’un autre côté, les réserves hydriques dans les sols seront au maximum et sauveront le millésime 2020 ?

Deuxième facette, la floraison très précoce prend place fin mai par un temps beau et sec, et à partir de la mi-juin, le temps restera très sec pendant deux mois. Heureusement, des orages vers le 10 août et surtout les importantes réserves d’eau évitent les blocages hydriques, du moins dans certains types de sols, mais elle est un facteur clé du millésime 2020.

Par ailleurs, les trois premières semaines de septembre sont chaudes, ce qui permet une maturation lente des raisins. La dernière semaine est plus contrastée, le botrytis fait son apparition. À ce stade, le merlot est souvent mûr, mais le cépage cabernet-sauvignon plus tardif est à la traîne et la pourriture menace alors que la météo annonce une dégradation importante pour la fin du mois de septembre. En dehors des liquoreux, les derniers raisins rouges sont ramassés à ce stade, avec une maturité plus ou moins parfaite.

2020 un grand millésime ?

Dans un grand millésime, tous les vins sont réussis et là, ce n’est clairement pas le cas. La qualité est très hétérogène, souvent par manque de maturité du raisin, ce qui peut paraître paradoxal. Dans un millésime aussi chaud et sec que 2020, beaucoup n’ont pas hésité à invoquer le fameux millésime 2003, d’ailleurs plus fameux par sa chaleur que par la qualité de ses vins. Le millésime 2003 est un des grands ratages de Robert Parker qui l’a porté aux nues avec une explosion historique des prix. Mais les vins de 2003 ne seront jamais au rendez-vous.

Malgré les apparences, le millésime 2020 ne ressemble en rien au 2003. Les vins sont certes secs et tanniques, mais ils sont aromatiques et ne souffrent pas du manque d’eau grâce au printemps pluvieux. Cependant, la sécheresse a engendré de fortes inégalités, ce qui explique l’hétérogénéité des vins.

D’un côté, le millésime 2020 a engendré quelques très grands vins, ce qui n’était pas le cas du millésime 2019 avec de très grandes réussites. Les grands terroirs ont bien réagi et ce n’est pas un hasard. En revanche, dans certaines propriétés et certains lieux, la maturation a souvent été bloquée par un manque d’eau générant des vins végétaux, très secs avec des tannins rêches. Ces tannins rêches signent bien des fins de bouche comme dans le millésime 1983 malheureusement.

Les réussites du millésime 2020

La clé de la réussite a été l’alimentation en eau de la vigne. Premier gagnant, les terroirs argileux avec leurs réserves hydriques et singulièrement les terroirs de graves sur argile comme à Pauillac, dans certains Saint-Émilion ou à Petrus avec des merlots de tout premier ordre. Le côté froid de l’argile qui ralentit la maturation est un énorme avantage en 2020 et probablement dans les années futures avec le réchauffement climatique d’autant que l’argile restitue l’eau petit à petit. Le merlot donne alors un fruit éclatant qui caractérise bien des cuvées du millésime 2020.

Deuxième grand gagnant, les terroirs calcaires ou argilocalcaires comme le plateau calcaire de Saint-Émilion, mais aussi à Fronsac entre autres. Les vignes ne souffrent pas de la sécheresse grâce aux remontées capillaires comme dans une éponge, d’autant que la nature alcaline de ces terroirs donne de belles acidités au vin.

Enfin, troisième clé, le travail des sols selon l’adage  un binage vaut deux arrosages  comme on peut le constater dans le secteur plus sablonneux de Pomerol coté Libourne où le désherbage chimique pur et dur côtoie des vignes travaillées. Avec leurs enracinements profonds, les vieilles vignes s’en sortent mieux que les autres.

Pour des raisons pas toujours simples à expliciter, mais que la recherche empirique a bien démontré, les vignes de raisins blancs sont moins sensibles au stress hydrique. Contre toute attente, les vins blancs secs sont très réussis, la maturation leur a fait beaucoup de bien et les vins blancs dépassent largement les cuvées anorexiques et végétales que Bordeaux a produites ces dernières années.

Les perdants du millésime

Souvent situés en pied de coteau, les sols de sables argileux et surtout sablonneux sont chauds et précoces, ce qui leur permet de réussir dans les années moyennes et pluvieuses. L’eau ne stagne pas et elle rejoint rapidement les couches profondes avec d’importants stress hydriques dans les années chaudes comme en 2020. Les sols de graves sont dans le même cas de figure.

Ces types de sols ont un déficit hydrique qui est souvent favorable à la qualité, ce qui explique leur large présence dans la production des vins rouges. Mais lorsque le déficit se transforme en stress comme en 2020, cet avantage se transforme en inconvénient comme l’a démontré Cornelius van Leeuwen, professeur et un des chercheurs bordelais les plus brillants. Seule solution, si on ne fait pas appel à l’artillerie lourde (souvent interdite) de l’œnologie, adapter la vinification avec une extraction très modérée des tannins.

Enfin, les millésimes chauds et secs ne sont guère favorables aux vins liquoreux. Le botrytis nécessite de l’eau pour se développer et la pluie n’est vraiment arrivée qu’à la fin des vendanges des vins rouges. Auparavant, il a fallu d’abord trier les raisins passerillés. À partir du 20 septembre, la pluie est enfin arrivée avec l’explosion du botrytis, mais les vins manquaient de concentration. Avec les fortes pluies, les fenêtres de ramassage se réduisaient : restait le 12 octobre, puis du 18 au 19. Les rendements sont très faibles, mais quelques belles cuvées ont été produites.

Rendements et prix

Entre le mildiou en début de période, puis la dessiccation des raisins due à la sécheresse, les rendements sont en baisse. Bordeaux a produit 440 millions de litres en 2020, soit un peu moins que 600 millions de bouteilles au lieu de 650 millions en moyenne décennale. Par rapport à 2018 et à 2019, la production est en recul en volume de 10 %.

Cependant, dans les appellations plus recherchées, surtout celles du Médoc ainsi qu’à Pessac-Léognan, le recul est plus important, surtout par rapport à 2019 où ces appellations frôlaient les 50 hl/ha (49,7 à Saint-Estèphe, 49,2 à Margaux, 47,2 à Pessac-Léognan, 46,7 à Pauillac). Pour la petite histoire, la baisse des prix des 2019 était donc en trompe-l’œil, l’augmentation de volume faisant plus que compenser la baisse des prix. Par rapport au millésime 2018, les rendements de Pauillac sont pratiquement au même niveau (37,4 en 2020 au lieu de 38,5) tout comme à Margaux (36,3 au lieu de 37,4).

Cette baisse de volume est mise en avant pour justifier une augmentation des prix des 2020. D’ailleurs, étrangement, dans l’histoire de Bordeaux, ce mécanisme n’a jamais fonctionné dans l’autre sens, car une augmentation des rendements n’a jamais entraîné une baisse des prix (cf. par exemple 2009, 2010, 2015, 2016, entre autres).

D’autre part, les vins du millésime 2019 sont encore largement disponibles à la vente. Il ne sera pas facile d’expliquer au marché mondial que le millésime 2020, pas fondamentalement meilleur que le 2019, soit nettement plus cher que son prédécesseur, indépendamment des conditions économiques, même si un rebond est plus que plausible.

2020, un millésime laboratoire

Pour étonnante qu’elle soit, avec le réchauffement de la planète, la climatologie du millésime 2020 risque de se reproduire à l’avenir. Avec le stress hydrique qui a laissé des traces tant dans la qualité des vins qu’au niveau des rendements, il faudra probablement réviser certaines pratiques viticoles qui ne sont pas toujours des modèles du genre en favorisant des enracinements profonds. Et s’armer pour les années futures.

Les 150 meilleures notes

Sur plus de 1000 vins dégustés sur place (sans échantillons improbables expédiés), la moitié des dégustations s’est déroulée à l’aveugle (merci les crus classés 1855, le Grand Cercle, etc...).

Découvrez aussi nos articles sur les primeurs des années passées sur Toutlevin :
Bordeaux - Primeurs 2017 par Bernard Burtschy
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