Les vins de Franconie

Les vins de Franconie

Les vins allemands restent peu connus des Français, comme ceux de nombreux autres pays plus au nord et pourtant producteur.
Hormis quelques stars comme Egon Müller aux cuvées rapidement inaccessibles (de 64 à 875€ la bouteille) de la région de la Moselle Saar, la plupart des vignobles nous sont assez étrangers.
Tout au plus sait-on que les Allemands cultivent le riesling et le sylvaner comme en Alsace.

Main - @Markus Spiske
Main - @Markus Spiske

Or les terroirs et les cépages outre-Rhin ont non seulement leurs caractéristiques, mais également leur unicité : impossible de trouver une cuvée française produite à partir de domina ou de regent.
Parce qu’il serait impossible d’être exhaustif en un article sur les différents vignobles allemands, commençons par la Franconie, l’occasion peut-être de découvrir cette région occidentale de la Bavière (au rattachement surtout administratif, les Franconiens et Bavarois pouvant se comparer aux Lyonnais et Stéphanois en période de derby…), située entre Francfort et Nuremberg.

A lire également sur Toutlevin : Tour du monde des vignobles : l’Allemagne

Rang de vigne - Crédit photo : @Markus Spiske
Rang de vigne - Crédit photo : @Markus Spiske

Une inimitié franco-allemande productive

Pour une fois, on ne peut mettre la naissance de la viticulture au crédit des Romains, mais a priori des Francs.
Si l’on remonte le fil, Clovis soumet les Alamans en 496, puis c’est au tour des Wisigoths de s’incliner. En 550, les Francs installés dans la région, déjà bien amateurs de vin, décident de planter de la vigne sur les bords du Main (rivière sur laquelle est située Francfort), histoire de consommer local et de ne pas avoir à importer leurs breuvages.

On retrouve des traces officielles de viticulture dès le 8è siècle : en 777, Charlemagne a fait don du monastère de Fulda et du domaine royal de Hammelburg, comportant huit vignobles, permettant d’attester de l’existence de cette pratique agricole.
Et comme souvent, le paysage commercial a varié au cours du temps, les années 1950 ayant par exemple été une période prospère pour les vins franconiens, qui s’exportaient dans tout le Benelux, en France et aux Etats-Unis, enclenchant une dynamique d’augmentation des surfaces cultivées et de modernisation des structures existantes.

Mais la popularité de cette région n’a pas attendu le 20è siècle, puisque Goethe, le célèbre romancier allemand du 18/19è siècle, écrivit dans l’une de ses correspondances : envoie-moi encore un peu de Würzburger, car aucun autre vin ne me sied.
Certes, Goethe est né à Francfort, et Würzburg se situe à 110 km de la capitale du Land de la Hesse, mais il aurait tout aussi bien pu s’abreuver de vins mosellans.

La noblesse du sylvaner

Si la région compte 80% de production de vin blanc, c’est parce que les terroirs de grès rouge et de calcaire coquilliers s’y prêtent particulièrement bien.
Le sylvaner est, quasiment à proportion égale avec le müller-thurgau (au potentiel aromatique expressif et charmant), le plus cultivé, aux côtés du riesling, du scheurebe, du weissburgunder (pinot blanc) et d’un cépage très local, le rieslaner (croisement entre le riesling et le sylvaner, réputé pour son équilibre entre acidité et degré alcoolique élevé).

Le sylvaner est un cépage polyvalent en termes de qualité, et les Français l’assimilent trop souvent à un petit cépage donnant des vins d’entrée de gamme. En Franconie, c’est un peu l’inverse : il y est perçu comme un cépage noble et le plus typique de la région, capable de produire un blanc charpenté et structuré, particulièrement expressif et raffiné à la fois.
En témoigne cette cuvée de sylvaner trocken (sec) du Juliusspital en 2020, le plus grand vignoble de sylvaner situé à Würzburg, en VDP Erste Lage (équivalent de façon très simplifiée d’un premier cru chez nous). Un bel équilibre entre tension et gras dotés d’arômes floraux et fruités élégants : un véritable moment de plaisir, doublé de la découverte des bouteilles typiques de Franconie, réservée aux meilleures cuvées, le bocksbeutel, signifiant littéralement bourse de bouc. En référence à la forme ou au fait que dans le temps, le vin était transporté individuellement dans des gourdes en peau de bouc… probablement un peu des deux.

Juliusspital - Crédit photo : Pauline Gonnet
Juliusspital - Crédit photo : Pauline Gonnet

Plaisir partagé avec les cépages rouges emblématiques mais plus confidentiels (représentant environ 20% des cuvées produites), comme notamment avec le regent et le domina (aux qualités de tanins et de maturité, fils du portugieser et du spätburgunder, alias pinot, ou bourguignon tardif en VO, également cultivés en Franconie). Pour se faire une idée de ce que goûte ce cépage, la cuvée « Black Betty du domaine 2NaturKinder (en bio et vinifié nature) est idéale : un jus fruité, éclatant, sans oublier une fine trame tanique qui porte l’ensemble avec délicatesse.

Das süsses Leben (aka la dolce vita germanique)

La Franconie constitue la dernière terre viticole avant la Bavière, où l’on plonge en terroir brassicole. Au gré de votre périple dans la région, profitez-en pour en déguster (avant ou après les vins !), admirez les nombreuses et belles forêts qui émaillent le territoire, visiter des caves à l’architecture et l’envergure assez extraordinaire et caractéristique de la région (comme par exemple la Staatlicher Hofkeller à Würzburg, où les caves équivalent à la surface du palais, formant un labyrinthe de 4 577m2 !).

Suspendez le temps dans les villages romantiques d’Iphofen, Bamberg ou encore Marktbreit, sans oublier de s’arrêter dans les restaurants typiques, comme le Fränkischer Hof à Marktbreit, pour y déguster la typique escalope de bœuf, sauce pomme-raifort et airelles rouges, ou bien évidemment la bratwürste, pas de séjour en Allemagne sans saucisses !
Das süsses Leben !

Vignette d'illustration - Crédit photo : Pauline Gonnet

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