Les vins d’Aveyron
Méconnus, les vignobles d’Aveyron, en renaissance, méritent le détour au fil des vallées et rivières de ce département authentique et préservé. 4 AOP et une IGP rythment la découverte de ces vins de terroirs nés sur des coteaux abrupts qui marient altitude et cépages locaux pour des vins tout en complexité et en fraîcheur. Avec quelques pépites et jolies adresses en vue.
Le viaduc de Millau, les brumes de l’Aubrac, les jolis villages sortis d’une carte postale et les “r” du Rouergue qui roulent comme les pierres de cette terre préservée : l’Aveyron est authentique et rustique et porte la promesse de paysages grandioses et de caractères bien trempés. L’Aveyron associe aussi son nom à la légende des brasseries et bistrots parisiens et à quelques mets de terroir tendance aligot, tripoux, fouaces et farçous. Avec un couteau Laguiole et un Roquefort au lait cru, il ne manque plus que quelques vins locaux pour compléter le tableau. Méconnus, confidentiels, les vins d'Aveyron se révèlent dans l’air du temps, entre cépages autochtones, jeune génération de vignerons passionnés et des terroirs marqués au sein de paysages contrastés.
De vallées en vignobles
Au sud du Massif Central et au nord du Languedoc, l’Aveyron est une terre de lacs et de rivières, de causses et de vallées, et de quelques plaines et plateaux, Ségalas ou Aubrac. Réputée pour son histoire géologique, l’Aveyron hérite ses reliefs du choc entre Alpes et Pyrénées et égrène au fil des paysages quelques pics basaltiques et des plateaux et éboulis calcaires, parsemés de schistes et grès rouges et traversés de 4 rivières. Dont celle qui lui donne son nom et traverse la capitale, Rodez, mais aussi le Tarn au sud et le Lot ou la Truyère au nord, dont les coteaux abrupts sont plantés de vignobles. La tradition voulait ainsi qu’on plante sur les versants nord des châtaigniers et sur les versants sud des vignes, les vallées étant dévolues aux arbres fruitiers.
Histoire, cépages et renaissance
Car la culture de la vigne est ancestrale en Aveyron, remontant peut-être aux Rutènes et aux Romains mais surtout liée aux monastères et abbayes, notamment celle de Conques dès le XIème siècle, et à l’afflux des pèlerins du Grand Chemin de Compostelle, puis plus tard à l’industrie minière pour répondre aux besoins de consommation des bassins ouvriers. Les paysans du cru avaient aussi coutume de casser la croûte le matin avec le vin blanc local.
Grande région viticole avant le Phylloxéra, l’Aveyron vit son vignoble décimé par le parasite, concurrencé après guerre par les vins du Midi mieux acheminés grâce au chemin de fer et enfin amoindri encore par l’exode rural. De quelques 25000 hectares au XIXème siècle, la saga viticole aveyronnaise renaitra de ses cendres à l’heure des VDQS (Vin Délimité de Qualité Supérieure) au milieu du XXème portée par quelques passionnés et soutenue par la diaspora aveyronnaise, héritière des bougnats parisiens du siècle précédent. Quatre AOP confidentielles et une IGP perpétuent aujourd’hui cette longue histoire viticole, relancée avec passion par quelques vignerons et coopératives engagés.
L'AOP Marcillac : rougiers et Mansois
Première appellation à avoir été reconnue en AOC, en 1990, Marcillac regroupe quelques 220 hectares en production, soit 1 million de bouteilles. Portée par 15 vignerons indépendants et une cave coopérative, l’AOC Marcillac s’étend sur une dizaine de communes dont Marcillac-Vallon, Clairvaux d’Aveyron, Salles-la-Source ou Valady et s’ancre dans l’histoire de l’abbaye de Conques, qui choisit les terres rouges, fertiles et ensoleillées du Vallon de Marcillac pour planter les vignes et subvenir aux besoins des pèlerins. Les “rougiers” caractérisent en effet ce terroir, avec une roche-mère calcaire et des éboulis argilo-calcaires. Le cépage Mansois, également appelé Fer Servadou, y est à l’honneur pour des vins rouges et rosés marqués par les fruits rouges et la fraicheur liée à l’altitude.
Estaing et Entraygues-Le Fel : des appellations confidentielles et escarpées
Un peu plus au nord, les AOC Estaing et Entraygues-Le Fel (2011) grimpent encore plus dans les coteaux de la vallée du Lot, avec une vingtaine d’hectares de vignes en terrasses abruptes pour chacune de ces deux appellations ultra-confidentielles. Schistes sur le Fel et sables granitiques à Entraygues donnent des vins rouges, rosés, blancs à base de Cabernet franc et sauvignon, et de Chenin mais aussi en accessoire le cépage blanc local Saint Côme. Le fruit et la minéralité des schistes caractérisent ces vins produits par une poignée de vignerons. A Estaing, la cave coopérative Les Vignerons d’Olt, créée en 1996, réunit 7 producteurs et produit un blanc, un rosé, et trois rouges dont une cuvée élevée dans une carrière de lauze, mais aussi une méthode traditionnelle.
Millau, une appellation sous influences
En redescendant vers le sud, l’AOC Millau, obtenue en 2011 également, couvre une cinquantaine d’hectares de vignes sur 17 communes pour des vins rouges, rosés et blancs sur des sols argilo-calcaires surplombant la vallée du Tarn et bénéficiant d’un micro-climat avec l’influence méditerranéenne et d’une forte amplitude thermique. Gamay et Syrah, Chenin et Mauzac y donnent des vins aromatiques et fins, qui vieillissaient, avant, dans des caves semi-troglodytes, tout comme à Salles-la-Source sur Marcillac.
L'IGP Aveyron recouvre l’ensemble du territoire, des terrasses schisteuses du nord du département aux plateaux calcaires du sud en mêlant influences climatiques du Massif Central et de la Méditerranée, avec un caractère toujours marqué... à l’image des Averyonnais.
Cuvées choisies
Au fil des appellations et des dégustations, une sélection non exhaustive de quelques jolies maisons et cuvées aveyronnaises.
Domaine du Cros
Père et fils dirigent le domaine familial du Cros parti de 1 hectare qui en compte désormais 35 parfois sur des coteaux à 60% de pente. Si la cuvée Lo Sang del Pais (100% Mansois) est emblématique avec son côté variétal, la nouvelle cuvée Numéro 25, sans soufre, donne l’impression de croquer une baie de raisin, tandis que la cuvée Rougiers, passée en barrique pendant un an, flirte avec la vanille. Coup de coeur (mais en rupture de stock sur le 2022), le Cros blanc marie Sémillon, Chenin et vieux Muscat à petit grain, en partie vinifié en barriques neuves. A déguster sur la nouvelle terrasse panoramique en admirant les coteaux rouges au soleil couchant.
Les Vignerons d’Olt
La cave coopérative d’Estaing propose aussi visite de chai et expositions didactiques et propose à la dégustation sa cuvée Ardoisières, élevée 9 mois dans une carrière de lauze à 450 mètres d’altitude. Mais aussi sa méthode traditionnelle, le Fest’aing (Brut ou Rosé demi-sec) à base de Mauzac et Chenin qui sera célébrée lors de la 13ème édition de la soirée Fest’Aing, le 15 décembre 2023. Un rendez-vous festif et chaleureux, avec petits fours, saucisse-aligot et fromages locaux, très attendu !
Le Domaine du Vieux Noyer
A côté de Millau, la GAEC Le Vieux Noyer propose des apéritifs à base de mirabelle, des bières artisanales mais aussi ses vins issus de 32 hectares en bio sur les coteaux argilo-calcaires du Tarn à 400 mètres d’altitude et exposés plein sud. La cuvée Entre vous et nous, rouge ou blanc, est un joli exemple de vins sous IGP Aveyron qui misent sur le haut de gamme et la typicité. Notamment le blanc, 100% Chenin, 25 hl/ha et élevé un an en fût neuf de 400 litres, qui offre une belle couleur dorée et un nez complexe, entre bois, poires et fruits secs.
Carnet d’adresses
Le Sahuc : la belle auberge au bord du Tarn
Surplombant le Tarn, Le Sahuc a ouvert en 2022 redonnant vie à une auberge historique de cette route sinueuse. Simon et Victoria y proposent 2 jolies chambres avec vue et une cuisine inspirée dans une ambiance conviviale. Le plat signature de Simon ? L’aligot revisité à partir du mets historique, à base de pain rassis frotté de tomme truffée et servi avec un bouillon de légumes et une salade d’herbes aromatiques (consultez aussi la recette de l'aligot de Toutlevin !). La pièce de jeune bovin d’Aubrac est très tendre, l’entremet au chocolat avec glace au piment végétal excellent et le beurre de noix maison addictif. Une jolie adresse pleine de charme pour dormir, manger et bientôt séjourner avec l’ouverture d’un gîte pour l’été 2024.
La Méjanassère : hébergement au domaine
Le domaine de la Méjanassère est une affaire familiale portée depuis plus de 40 ans par Véronique et Frédéric, rejoints par leur fille pour la partie viticole. Connue depuis quelques décades comme une auberge conviviale où les viandes à la broche régalaient les convives, la Méjanassère propose désormais différentes chambres d’hôtes et gites dans de belles maisons rénovées avec goût. Côté vin, les 4 hectares, d’un seul tenant en conversion bio, donnent, avec levures indigènes, un rouge, un rosé et un blanc en AOP Entraygues et Fel, des vins droits et aromatiques qui misent sur la souplesse. Ce hameau attachant donne envie de se poser, en hiver au coin de la cheminée du gîte ou en été sur les nombreuses jolies terrasses aménagées. L’occasion de découvrir la Salta Coltadas, fête des vins d’Entraygues le Fel qui associé randonnée et repas courant septembre.
Jaja & Lichouseries : un bar à vins à découvrir
Ancien sommelier chez Bras, Jérôme Luce a ouvert, au cœur d’Espalion, une cave à vins et à manger qui mérite le détour. Pour la cuisine maison savoureuse mais aussi pour découvrir une impressionnante sélection de vins nature mais surtout bien faits et bons ! Comme ceux de la génération montante de ces vins d’Aveyron, Pauline Broqua à Entraygues ou Hugo Epinoux à Estaing mais aussi Patrick Rols sur Marcillac, Jean-Luc Matha à Clairvaux ou Nicolas Carmarans vers Laguiole, fers de lance du renouveau de ces appellations il y a quelques années. Il se raconte même que l’Aveyron pourrait être, en matière de vin, un “nouveau Jura” et en tout cas, une terre d’expérimentation viticole extraordinaire autour de ces terroirs rudes et de ces vins à fort caractère affinés par le talent des vignerons du cru.
Cascade : le restaurant à suivre
Dans le joli village de Salles-la-Source, connu pour sa cascade, le restaurant Cascade a pris vie en 2022 sous l’impulsion de Léna et Matthieu dans l’ancienne filature du village. Salles baignées de lumière, déco soignée et service attentif complètent une carte locale et gourmande, qui fait la part belle aux pièces de viande à partager mais aussi à de jolies variations bistronomiques. Sans oublier une carte des vins d’Aveyron. D’ailleurs, petite nouveauté annoncée pour juin 2024 : un rooftop avec brasero et tapas pour savourer l’été aveyronnais !
En couverture : Vignes du vallon de Marcillac, Aveyron - ©P. Soissons