La dégustation géo-sensorielle : textures et émotions

La dégustation géo-sensorielle : textures et émotions

J’ai récemment eu la chance d’écouter Méven Orthégy parler des méthodes de dégustation. Et en tant que professionnelle, habituée à mon train-train de notation, c’est toujours intéressant de redécomposer la manière dont on analyse un vin, se remettre en question. Voyons comment la dégustation est une expérience multi-sensorielle entre émotion, sensation et cognition.

La dégustation analytique répond-elle encore au marché ?

La dégustation est surtout faite de manière analytique : nez, yeux puis bouche, une technique qui vient de l’antiquité. Dans les années 50 avec le DNO (Diplôme National d’Œnologue), les mentions complémentaires en sommellerie, c’est devenu une norme qui s’est répercutée sur d’autres produits comme le thé ou le chocolat qui ont également des notes de dégustation analytique.

Méven Orthegy de la Cicarex en Beaujolais (pôle recherche) s’est intéressé aux experts, qu’ils soient vignerons, journalistes, sommeliers, puis au consommateur moins aguerri. Le résultat montre que tout le monde ou presque déguste de la même manière avec des emphases plus ou moins fortes sur l’un ou l’autre des éléments.

Cette méthode analytique classique ne répond pas forcément aux besoins des nouveaux consommateurs et des nouveaux styles de vin. De nouvelles façons de déguster apparaissent progressivement, souvent en complément de la méthode analytique. Découvrons la dégustation géo-sensorielle.

Des alternatives à la dégustation analytique : nez, yeux, bouche ?

La dégustation géo-sensorielle permet aussi de bien définir le terroir par la texture. Au lieu de se focaliser sur le nez, elle se centre sur la bouche, les arômes mais aussi la forme, la salivation. Ce style de dégustation géo-sensorielle a été retenu par les moines en Bourgogne au 12ème siècle pour définir la notion de climat. Elle est en réalité accessible à tous.

Le nez n’est pas absent de la dégustation géo-sensorielle, mais elle prend aussi le parti pris que si c’est bon au palais, le nez suivra. Il existe d’ailleurs plus de différences entre 2 individus sur la dimension olfactive que sur la bouche avec des seuils de sensibilité allant de 1 à 10 000 pour le premier alors que pour la sensibilité gustative le rapport est de 5 à 10.

S'ajoute au goût, la texture des vins et la partie émotionnelle, affective. On parle alors d’énergie. La dégustation géo-sensorielle est donc une dégustation globale et non analytique. On juge le vin dans son ensemble. La finalité est de pouvoir mieux déguster et d’arriver à se comprendre. Quoi de mieux pour fluidifier la communication entre experts et consommateurs ?

La texture ? Comment la décrire en bouche ?

La texture du vin est étudiée depuis peu, la roue des textures suit celle des arômes avec des termes liés à l’astringence (60% des termes), la chaleur, l’irritation. On parle en métaphores, ce qui est habituel dans le vin avec des termes corporels : charnel, désossé, des textiles soyeux, des textures : mou, rugueux, des formes : maigre, rond. Mais on manque encore cruellement de référentiel commun.

On se rend compte cependant au fil des études que le vin peut être décrit, discriminé grâce à ses textures. En 2018, une étude dans le Beaujolais montre même que la texture peut être liée à la quantité de tanins. Certaines textures vont être associées à certains tannins, on peut donc faire un parallèle entre ces textures et les analyses physico-chimiques.

En 2022, un chercheur en Espagne s’est intéressé à la texture 3D touchée par les dégustateurs, suivi par Méven Orthégy par une dégustation avec des consommateurs. Les résultats montrent qu’il est possible de discriminer des vins avec des textures associées à des numéros, mais que dès qu’on demande une verbalisation, les différences sont encore trop grandes. Le travail de verbalisation n’est pas fini pour arriver à cette échelle géo-sensorielle mais les résultats sont très intéressants.

L’émotion dans la dégustation, grands oubliés ?

Très à la mode depuis les années 2010, les émotions font partie intégrante de la dégustation, même si elles sont souvent absentes chez les experts. Elles permettent de compléter les descriptions sensorielles préalablement analysées.

Pour déterminer les émotions du dégustateur, il existe la technique classique du questionnaire, la fréquence cardiaque, ou plus innovant, la méthode de la caméra centrée sur le visage du dégustateur. Au final, comme on note le nez, la bouche, on peut aussi noter son émotion sur une échelle ou sur une liste (méthode CATA), voire même avec des smileys qui peuvent aussi être très discriminants.

Les émotions ont d’ailleurs prouvé avoir une grande influence sur le consommateur dans son consentement à payer : plus on est content et on comprend le produit, plus on est prêt à l’acheter, et plus cher. Elles permettent aussi de différencier les vins entre eux, montrant un pouvoir pouvant être plus grand qu’une analyse classique. Les émotions sont peut-être la clef pour ramener le consommateur au vin, et assouplir la barrière entre expert et consommateur, plus enclin à goûter avec ses émotions. Alors, quel smiley pour votre vin ?

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