Interview de Corinne Chevrier du Château Bel-Air La Royère

Interview de Corinne Chevrier du Château Bel-Air La Royère

Partons à la rencontre de Corinne Chevrier, vigneronne au Château Bel-Air La Royère dans l’appellation Blaye Côtes de Bordeaux...

Nous sommes au stade sensible de la floraison, dans le joli vignoble vallonné de Blaye, avec vue sur le majestueux estuaire de la Gironde et, de l’autre côté, le prestigieux Médoc.
A cette période animée de travaux en vert, relevage et estrapage, le mot local du rognage, Corinne observe avec attention ses 12 ha de vigne.

Il y a des parcours de vie qui forgent le caractère, des imprévus qu’il faut surmonter et dont on ressort beaucoup plus forte, heureuse du chemin parcouru.
En 2010, cette maman de quatre enfants, originaire d’une famille de viticulteurs charentais, se retrouve seule à la tête du Château Bel-Air La Royère. Qu’à cela ne tienne, elle a appris à conduire le tracteur, à porter à bras le corps sa propriété, et à exprimer sa créativité.

Portrait d’une femme de caractère, courageuse et indépendante.

Vignoble du Château Bel-Air La Royère, AOP Blaye Côtes de Bordeaux.
Vignoble du Château Bel-Air La Royère, AOP Blaye Côtes de Bordeaux.

La WINEista : Qu’est-ce que l’appellation Blaye a de plus que les autres vignobles ?

CC : Son point de vue incroyable sur le fleuve. Ce vignoble est splendide ! De plus, elle reste accessible en terme de budget, parce-qu’elle est moins connue que certaines. Elle est dynamique, c’est une appellation qui bouge ! Aujourd’hui, j’aimerais cependant que Blaye soit mieux valorisée, que le consommateur apprécie sa qualité à sa juste valeur.

LW : Est-ce que vous pourriez envisager de faire du vin ailleurs qu’ici ?

CC : Finalement non ! On trouve toujours l’herbe plus verte chez le voisin, puis on s’aperçoit que c’est du synthétique. J’aime beaucoup Blaye, sa diversité de terroirs, la mentalité est ouverte, sympathique.

LW : Avez-vous rencontré des difficultés en tant que femme vigneronne ?

CC : Je n’ai jamais eu de soucis en tant que vigneronne vis-à-vis de mes collègues masculins qui sont encore plus nombreux même si le métier se féminise. Au contraire, tout le monde est bienveillant, on échange librement sur nos problématiques.

LW : Et faire du vin dans votre région d’origine, Cognac ?

CC : Je vais les laisser faire... Quoique, j’aimerais reprendre quelques vignes à Cognac et replanter des vieux cépages autochtones comme le Colombard (ndlr : voir notre article Qu'est-ce qu'un cépage autochtone ?). Je sortirais mon Cognac authentique !

LW : Qu’est-ce que votre terroir a d’irrésistible ?

CC : J’aime beaucoup sa diversité. On a des sols sablo-graveleux, argilo-calcaires, des marnes à huîtres. C’est vraiment un beau patchwork de terroirs qui se révèle dans mes vins. Même avec un seul cépage, je peux faire des assemblages.
J’aime la diversité. Mes vignes sont un peu comme une population, avec mes bébés qui naissent, les nouvelles plantations, mes vieilles parcelles de plus de 70 ans, qui sont dans la sagesse, celles de 10 ans, fougueuses comme les adolescents, et les 40-50 ans qui se prennent davantage au sérieux.

LW : Qu’est-ce que vous aimez dans votre métier ?

CC : C’est d’être aujourd’hui mon chef d’orchestre. J’ai appris à faire tous les boulots sur ma propriété. Je suis musicienne de tous mes instruments, que ce soit la taille, le tirage de bois, le tracteur, le chai. J’aime continuer à jouer et à orchestrer.
Maintenant on parle ensemble, puis je vais me changer pour aller sur mon tracteur, puis dans quelques heures me rafraîchir pour accueillir des clients de passage.

LW : Quel est votre moment préféré de la vigne à la bouteille ?

CC : Les vendanges, c’est l’aboutissement du travail de l’année. J’aime aussi l’automne, quand les feuilles changent de couleur, que l’on retrouve de l’apaisement après que la récolte soit en sécurité dans la cave.

LW : Quel est le moment que vous redoutez le plus ?

CC : Lorsque les bourgeons commencent à pousser et qu’une période de gel est annoncée. Ou quand les vignes sont belles et qu’il y a un risque de grêle. On n’est pas maître du temps... Cela me serre la gorge d’y penser...

Gamme de vins, Château Bel-Air La Royère
Gamme de vins, Château Bel-Air La Royère

LW : Quelle bouteille ouvrez-vous après une journée de tracteur ?

CC : Mon Justin Malbec un peu rafraîchi. Ma cuvée 100% Malbec, à la fois intense et gouleyante !

LW : Et avec quel plat ?

CC ; Avec une bonne tranche de saucisson !

LW : Si vous étiez un cépage, vous seriez lequel ?

CC : Le Malbec ! Que l’on appelait ici le "teinturin", parce qu’il donne des vins colorés. Il a été longtemps dénigré à Bordeaux face aux Merlot, Cabernet Sauvignon et Cabernet Franc. C’est un peu comme un enfant illégitime qui retrouve ses lettres de noblesse. J’ai beaucoup d’affection pour ce cépage qui amène de la richesse à nos vins.

LW : Quels sont vos projets pour votre domaine ?

CC : Nous venons de nous convertir à l’Agriculture Biologique. Comme quoi on peut aussi y arriver à Bordeaux ! J’aimerais aussi aller vers de l’agro-foresterie, replanter des haies, des arbres fruitiers, pourquoi pas des pommiers et faire du cidre à Blaye.

LW : Si je vous dis partir en vrille cela vous évoque quoi ?

CC : Faire n’importe quoi ! Même si la vrille est nécessaire à la vigne pour qu’elle puisse se tenir, pour moi partir en vrille c’est faire n’importe quoi !

Merci Corinne, vous pouvez être fière de vous !

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