En AOC, peut-on mélanger de la Syrah et du Cabernet ?

En AOC, peut-on mélanger de la Syrah et du Cabernet ?

Dès que l'on commence à s'intéresser au vin, des tiroirs s'ouvrent dans nos têtes. On y range minutieusement des informations liées à un vignoble, une technique de vinification, un accord mets et vins, des sensations...
Quelquefois, le désordre s'installe, nos idées s'entremêlent. Il est alors nécessaire de trier nos chaussettes dépareillées !
A la question, En AOC, peut-on mélanger de la Syrah et du Cabernet ?, vos neurones risquent de se bousculer. Essayons d'y voir plus clair...

En France, quand on pense Syrah, on se projette illico sur les appellations prestigieuses de la Vallée du Rhône (Côte-Rôtie, Cornas, Hermitage...). Puis, on prend l'accent chantant du Languedoc et de la Provence.
Quand on évoque le Cabernet Sauvignon, les vins de Bordeaux s'imposent : la puissance du Médoc (Margaux, Pauillac, Saint-Estèphe...), le terroir unique des Graves.

Jusque-là, tout va bien, nos certitudes ne sont pas chamboulées.
Il arrive cependant que, sous les conseils avisés d'un caviste ou dans un bar à vins digne de ce nom, nos papilles s'extasient sur une cuvée un brin particulière... Qu'y a-t-il dans cet assemblage détonnant ? Nous sommes sur un vin AOC. Et pourtant, il s'agit de Syrah et Cabernet Sauvignon. Rien ne va plus !

En Appellation d'Origine Contrôlée (ou Appellation d'Origine Protégée, AOP, au niveau européen), les vigneronnes et vignerons doivent suivre des règles d'élaboration précises, consignées dans des cahiers des charges propres aux différentes dénominations. Bien évidemment, l'encépagement y occupe une place prépondérante.
Les cépages autorisés dans une AOC donnée font partie intégrante de son histoire et de sa typicité. Ils doivent être adaptés aux conditions climatiques, à la nature des sols.
On parle alors de cépages autochtones (voir l'article Toutlevin Qu'est-ce qu'un cépage autochtone ?), aptes à produire des vins de terroirs (voir notre article Vins de terroirs versus vins technologiques ?)

Alors, comment se fait-il que des cépages d'horizons différents, qui ne rentrent a priori pas dans les mêmes cases, se retrouvent dans un seul et même assemblage ?
Peut-être parce qu'il y a des situations où les frontières ne sont pas tranchées, où l'expérience a fait évoluer la réglementation. Ou peut-être que notre rangement a été trop hâtif...

En France, il y a plusieurs AOC où Syrah et Cabernet Sauvignon font bon ménage !

Dans l'Aude, non loin de Carcassonne, à la frontière ouest des AOC du Languedoc), Cabardès et Limoux Rouge sortent des sentiers battus.
Ces 2 AOC peuvent assembler des cépages méditerranéens et atlantiques, tout simplement parce qu'elles sont situées dans une zone de transition climatique, entre climats atlantiques et méditerranéens. Ici, les entrées océaniques tempèrent les influences méditerranéennes.

En Cabardès, l'AOP aux 2 visages entre Vent d'Est et Vent d'Ouest, Cabernet Sauvignon et Merlot d'un côté, Syrah et Grenache Noir de l'autre, se partagent le gâteau en deux parts quasi égales.
En Limoux Rouge, Merlot et Cabernet Sauvignon sont les cépages dominants. La Syrah et le Grenache Noir sont secondaires.

Non loin de là, Malepère est la plus occidentale des appellations du Languedoc. Bien que la Syrah n'entre pas dans sa composition, il est intéressant de noter son métissage réussi entre cépages bordelais (Merlot, Cabernet Sauvignon, Cabernet Franc) et méditerranéens (Grenache Noir, Cinsault).

Figurez-vous qu'il y a aussi du Cabernet Sauvignon en Provence, grâce à des concours de circonstances.
Il a été introduit dans l'urgence suite à la crise phylloxérique dès 1856. Sa culture s'est développée petit à petit parce qu'il présentait des caractéristiques favorables à l'élaboration des vins rouges (rendements limités, aptitude à l'élevage...).
Aujourd'hui, il demeure un cépage accessoire en AOC Côtes de Provence (3,6% de la surface) et Coteaux Varois en Provence (9% de la surface), aux côtés des Grenache Noir, Syrah, Cinsault, Mourvèdre.

En Coteaux d'Aix-en-Provence, la donne est un peu différente. C'est un bordelais, Georges Brunet, ancien propriétaire du Château La Lagune dans le Médoc, qui est à l'origine de la présence du Cabernet Sauvignon. Amoureux inconditionnel de cette variété, il l'introduisit à la fin des années 60 lors de son installation dans le Var au Château Vignelaure.
Bien qu'il demeure secondaire, il représente actuellement 14% des surfaces de l'AOC (source : Conseil Interprofessionnel des Vins de Provence).

Comme quoi, il est parfois bon de faire un ménage automnal !

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