Quel type de vigne planter ?

Quel type de vigne planter ?

C’est la fin du greffage dans les pépinières et les vignerons plantent leurs vignes, cette période de plantation va s’étendre jusqu’à la fin mai en fonction des régions et des types de sols. Les vignobles de Bordeaux et de la Loire sont les plus tardifs, ceux du sud commencent un peu plus tôt, dès début janvier. Ce que les pépinières greffent cette année sera planté l’année prochaine chez le vigneron.

Mais comment savoir quoi planter ?

J’ai posé la question à un vigneron, un pépiniériste et un consultant : Jonathan Ducourt (Vignobles Ducourt, Bordeaux), Lilian Bérillon en Provence et Simon Blanchard chez Derenoncourt Consultants. Les réponses se font écho et permettent de comprendre le long procédé qui amène à choisir quoi planter.

Le cahier des charges

La première chose, c’est le cahier des charges de la région qui donne le droit à un nombre limité de cépages pour avoir l’appellation : gamay en beaujolais, cabernet sauvignon dans le bordelais par exemple. Certains vignerons préfèrent se mettre en marge parce qu’ils affectionnent particulièrement un cépage ou veulent faire des essais. On sait que s’affranchir des AOC est aussi un moyen de se démarquer.

Quels sont les éléments à choisir sur un plant ?

Pour chaque cépage il existe plusieurs caractéristiques, on peut donc planter différents merlots, par exemple.

Le plant greffé-soudé se compose d’un porte-greffe et d’un greffon. Un porte-greffe américain est obligatoire depuis l’arrivée du phylloxera en France, les pieds américains sont greffés à la variété, le cépage choisi. Ils sont comme un filtre qui empêche la maladie de contaminer le greffon. Lorsqu’il n’y a pas ce pied américain, on est en franc de pied. Ce n’est possible que sur les parcelles sableuses que n’aiment pas le phylloxera.

Les porte-greffes sont clonés et il en existe différentes variétés. Chez Lilian Bérillon, il y a 45 hectares plantés avec 20 variétés différentes. L’affinité entre le couple cépage-porte-greffe est à prendre en compte, le choix d’un cépage n’est pas toujours compatible.

Choisir son porte-greffe

Pour choisir le porte greffe on fait attention à trois paramètres : le type de sol, la résistance à la sécheresse et la vision de la viticulture. Certaines parcelles sont une évidence pour un vin blanc ou un vin rouge. Le choix dépend aussi du style de vin que l’on veut produire.

Aujourd’hui, la quasi-totalité des pieds passe d’abord par la pépinière pour assembler le greffon au porte-greffe puis développer le système racinaire du jeune plant.

Le type de sol

Selon les sols, on choisit des portes-greffes différents. Il faut donc d’abord connaître ses sols et sous-sols. Chez Derenoncourt Consultants, on aime creuser à un mètre de profondeur, c’est la fosse pédologique pour prélever les sols. L’important est de vérifier la présence de calcaire actif qui ne va pas pour tous les porte-greffes et limite les options. L’épaisseur de sol au-dessus de la roche mère va aussi définir ce choix.

Chez les Ducourt, on choisit surtout en fonction de la complémentarité par rapport au terrain. La palette aromatique vient au second plan car la priorité c’est que le plant s’implante bien sur son terroir.

Le climat

La pluviométrie pendant l’année va orienter le choix, en fonction de la sécheresse à chaque saison, on choisit un porte-greffe différent.

Le changement climatique joue sur le choix du porte-greffe, c’est la nouveauté des dernières années. Par exemple, dans le sud ou il fait de plus en plus chaud, on choisit souvent le R110 qui résiste à la sécheresse.

La vision de la viticulture : est-ce qu’on choisit tous les mêmes plants pour une même parcelle ?

Chaque vision de la viticulture amène différents choix dans le vignoble, le paramètre économique étant souvent important dans la prise de décision. Certains vignobles, comme dans la vallée du Douro, mélangent encore les cépages dans une même parcelle, l’assemblage se fait donc dans la vigne. Cela se fait rare et aujourd’hui on plante généralement uniformément.

Soit on choisit la sélection clonale, donc un individu unique dans la parcelle, soit on part sur une sélection massale, qui permet de replanter une population d'individus de la même variété, légèrement différents les uns des autres.

La sélection clonale

Pour planter un cépage, après l’étude du sol et du climat, il existe une base de données très précise des différents clones, en libre d’accès : Plantgrape.

Selon le style de vin que l’on veut faire, il y a une différence aromatique entre différents clones. Ils donnent des raisins plus ou moins sucrés, avec plus ou moins de rendements, plus ou moins de tannins. En merlot, 181 et 343 sont excellents m’informe Simon, ils sont donc très plantés. Grâce au clone, on peut mieux gérer les dates de maturation du raisin. Le risque, c’est l’appauvrissement du matériel génétique et que tout le monde plante la même chose.

La sélection massale

La sélection massale permet une diversité et donc une résistance naturelle dans le vignoble car tous les plants ne sont pas sensibles ou résistants aux mêmes maladies ou aux aléas climatiques. Elle se fait en sélectionnant de vieux pieds chez le vigneron lire notre article (Vin, la mention vieilles vignes est-elle un gage de qualité ?). Ils sont bagués et surveillés sur plusieurs années à différentes saisons. Les meilleurs sont prélevés et, chez Lilian Bérillon, testés sanitairement. Ceux qui ont de bons résultats seront alors greffés pour faire de petits plants de vigne.

Alors ?

Tout dépend si on est dans une dynamique productiviste ou qualitative, tout dépend du prix de la bouteille. Une technique qui a existé avant l’apparition des clones dans les années 60s. Le vigneron doit donc choisir, veut-il apporter une diversité dans son vignoble ou trouver un bon clone, moins cher, pour assurer l’unité de sa récolte.

La sélection massale est la spécialité de Lilian Bérillon et c’est ce que conseillent les consultants Derenoncourt. Mais cela a un coût que tous les vignerons ne peuvent pas absorber, rappelle Simon Blanchard. Chez les Ducourt par exemple, on a choisi la clonale pour des raisons économiques mais c’est aussi parce que certains cépages ne sont pas disponibles en sélection massale.

Cépages rares et variétés résistants

Quand on sort de l’AOC avec les variétés résistantes comme dans la famille Ducourt, on est sur des plants rares que travaillent peu de pépiniéristes. On les choisit à force de goûter chez les gens qui les avaient plantés mais aussi grâce à l’association des variétés résistantes (PIWI).

Dans le cas des cépages rares ou oubliés, il existe l’association Wine Mosaic, qui défend les variétés peu plantées et organise des dégustations.

Peut-on choisir un profil aromatique de vin grâce au plant ?

Pour une diversité de goût, Simon Blanchard suggère d’alterner en mélangeant sélection clonale et massale par exemple. Il y a 20 ans, la recherche faite par l’INRA a permis de faire des portes greffe précoces avec des clones ayant le plus de richesse possible mais avec le réchauffement, on recherche le contraire avec des clones avec moins de sucres et des débourrements plus tardifs.

Les sélections clonales permettent de rentrer dans un cadre très précis de données de production agronomiques (niveau de production, vigueur…) et technologiques (intensité
aromatique, acidité, aptitudes œnologiques, structures tannique…)

Si on a choisi la sélection massale, on accepte la diversité et les légères évolutions intravariétales qui vont apporter une intensité et une richesse au profil des vins.

Et après ?

Vient ensuite ce que Lilian Bérillon appelle l’itinéraire technique, soit ce qui se passe chez le vigneron avant de planter. On ne peut pas réussir à planter sans préparer sa parcelle à accueillir le plant. Comme dans une construction, on parle de fondation. Théoriquement il faudrait un repos de sol antérieur, rare aujourd’hui car il coûte cher. Chez les Ducourt, on s’alimente chez plusieurs pépiniéristes, en commandant en général deux ans en avance pour que les plants puissent être préparés.

Préparer son sol assure la pérennité du plant, les terres doivent être meubles pour permettre aux racines de plonger en profondeur. S'ensuit le choix de la date de plantation qui, comme dans un potager, est cruciale.

Une fois planté, le plant a besoin de soins à ses débuts, il est important d'arroser et de tailler le plantier. Pour Lilian Bérillon, les mauvaises herbes sont incompatibles avec la première année, ainsi si on a un vignoble enherbé, on évitera la première année !

Le matériel végétal est un paramètre important qui ne doit pas être sous-estimé mais l’endroit où il est planté joue tout autant. Pour faire de grands vins, de bons vins, il y a encore de nombreuses étapes jusqu’à la bouteille, rappelle Simon Blanchard. Alors, autant bien commencer !

La phase test

Malgré la précision des fiches techniques des clones, chaque vignoble a une histoire et a déjà été plantée 2 ou 4 fois, on apprend surtout de nos parents et grands-parents souligne Jonathan Ducourt. Avec le réchauffement des dernières années, le cabernet mûrit mieux par exemple, il est plus tardif que le merlot qui monte en sucre donc en alcool sur certains terroirs, on les remplace donc parfois.

Le cycle de plantation est entre 30 et 50 ans pour une nouvelle plantation. La réflexion sur les plantations se fait longtemps à l’avance pour que les pépiniéristes et le sol soient préparés. Pour les variétés résistantes, au final on est toujours sur une phase test chez les Ducourt et dans propriétés qui ont fait ce choix, c’est encore une première plantation, on apprend !

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