Pourquoi Lyon est devenue la capitale de la gastronomie ?

Pourquoi Lyon est devenue la capitale de la gastronomie ?

Le titre honorifique de capitale de la gastronomie dont bénéficie Lyon est aussi ancré dans les esprits que récent.

Lyon @Pauline Gonnet
Lyon @Pauline Gonnet

C’est en 1935, soit il y a 86 ans, que Maurice Curnonsky, romancier, humoriste mais surtout gastronome et critique culinaire, décida que Lyon était la capitale de la gastronomie. Mais quel fût son critère de choix pour attribuer cette distinction, et quelle est la véritable histoire de la gastronomie lyonnaise ?

Maurice Curnonsky @ Soir Mag – Le soir / Belgalmag
Maurice Curnonsky @ Soir Mag – Le soir / Belgalmag

L’origine de la consécration

L’homme n’est pas avare de bonne chère et en fait ses choux gras dès 1921 lorsqu’il publie La France gastronomique, composée de 32 fascicules recensant toutes les cuisines régionales et les meilleurs restaurants du pays, s’achevant en 1933 par la parution du Trésor gastronomique de France, répertoire complet des spécialités gourmandes des 32 provinces françaises.
Entre temps, il a été élu prince des gastronomes par 3 338 cuisiniers, restaurateurs et pairs, rien de moins.
Né à Angers et vivant à Paris, et vu son impressionnante connaissance des cuisines régionales, on ne peut suspecter la moindre partialité dans sa décision de reconnaître Lyon comme capitale mondiale de la gastronomie dans un ouvrage portant ce titre, paru en 1935.
Décision fondée sur le constat que la cuisine lyonnaise atteint, tout naturellement et comme sans effort, ce degré suprême de l’Art : la simplicité.

Less is more

La simplicité est un mantra chez Curnonsky, qui préconise que les plats doivent avoir le goût de ce qu’ils sont, et affiche une préférence pour des repas composés d’un à deux plats, et surtout accompagnés de vins.
Ce dont ne manque pas Lyon, située au carrefour des vignobles de la vallée du Rhône septentrionale (dont l’indéboulonnable Saint-Joseph, la prestigieuse Côte-Rôtie, le délicieux Condrieu, etc), et les vignobles bourguignons dont la porte sud est le Beaujolais.

Si la gastronomie lyonnaise prête aujourd’hui le flanc à certaines critiques populaires qui ne partent pas du principe que le gras, c’est la vie, contrairement à l’époque de M. Curnonsky, elle reste néanmoins empreinte de convivialité et d’absence de chichis (mais pas de raffinement et encore moins de maîtrise), offrant un visage réconfortant, épicurien, chaleureux, notamment à travers ses institutions emblématiques que sont les fameux Bouchons Lyonnais.

Les Mères : point culminant de l’histoire de la gastronomie lyonnaise

Domaine traditionnellement réservé aux hommes dès lors qu’il s’agit d’atteindre les sommets, Lyon a su préserver et mettre en avant ses talents féminins depuis toujours, et c’est à eux que l’on doit cette histoire culinaire florissante. La Mère Brazier et la Mère Bourgeois ont en effet décroché trois étoiles chacune la même année, en 1933.
Mais qui sont-elles ?

Mère Brazier @lyonresto.com
Mère Brazier @lyonresto.com

La plupart des Mères étaient des cuisinières officiant dans des maisons bourgeoises, avant d’ouvrir leur propre restaurant. La cuisine servie se voulait régionale, populaire, roborative, simple et dotée du raffinement venu de leur expérience précédente. Ce qui explique d’ailleurs la présence de nombreux abats dans leur cuisine : il ne fallait rien jeter dans les maisons bourgeoises, aussi en ont-elles gardé un sens de recyclage culinaire.
La présence des mères s’explique par la nature industrielle de la ville de Lyon, où il était courant que les femmes d’origine modeste travaillent.
La première Mère aurait été la Mère Guy en 1759, tenant une guinguette sur les bords du Rhône, connue pour sa matelote d’anguilles.
Au XIXème siècle, la mère Brigousse faisait palpiter les papilles de ses clients avec ses tétons de Vénus, grosses quenelles en forme de sein, que les jeunes garçons venant enterrer leur vie de jeune homme affectionnaient particulièrement (la convivialité faisant donc déjà partie intégrante de l’ambiance des Mères…).
Les plus illustres Mères du XXème siècle ont gravé leur héritage, notamment la Mère Brazier qui a laissé son nom à un restaurant deux étoiles Michelin, mené actuellement par Mathieu Viannay, après avoir formé le célèbre Paul Bocuse, qui fut son apprenti.

Quenelle @Café Comptoir Abel
Quenelle @Café Comptoir Abel

Leurs établissements : les bouchons lyonnais

La culture gastronomique lyonnaise et l’esprit des Bouchons Lyonnais sont si typiques qu’ils font l’objet d’une protection par des associations ad hoc, comme l’Association des Bouchons Lyonnais, ou encore celle des Toques Blanches Lyonnaises, ayant pour objectif d’assurer la pérennité des traditions culinaires lyonnaises.
Le terme bouchon a une origine qui ne doit rien à la bouteille de vin : ces restaurants avaient pour enseigne une bousche, soit une petite botte de branchages accrochée à l’extérieur de l’établissement.

La charte des Bouchons Lyonnais est claire : pour en faire partie, le restaurant doit disposer d’une décoration pittoresque et chaleureuse, d’un(e) patron(ne) truculent, de plats typiques et simples composés de produits exclusivement régionaux, d’un pot lyonnais (pot de vin d’une contenance de 46cl, que l’on doit à la parcimonie des patrons des ouvriers canuts, qui économisaient sur les 4cl manquants chaque jour…).
Et bien entendu, que l’ambiance soit résolument conviviale.

Bouchon @Pauline Gonnet
Bouchon @Pauline Gonnet

Les plats emblématiques

D’abord, l’apéritif : le kir s’impose, voire le communard (vin rouge à la place du vin blanc), accompagné de grattons, qui ont du ravir le chevalier Karadoc d’Alexandre Astier : de petits morceaux rissolés issus des gras de porc et assaisonnés au sel, poivre et vinaigre.
Les entrées peuvent être une salade de lentilles, un cervelas lyonnais (ou saucisson à cuire) truffé ou pistaché, de la terrine ou de la charcuterie lyonnaise.
En plats, les incontournables quenelles (principalement de brochet, avec une sauce langoustine, mais elles peuvent être de volaille ou nature) tiennent le haut du pavé, entourées du tablier de sapeur (gras-double mariné dans du vin blanc puis pané et frit), des ris de veaux, du gâteau de foie de volaille, de poulet des Dombes, d’andouillette et de boudin noir aux deux pommes (fruit et pomme de terre).
Et parce qu’à cœur vaillant, rien d’impossible, les fromages suivront, qu’ils soient blancs, secs ou en cervelle de canut : le fromage blanc ou crème est assaisonné d’échalotes, de vinaigre, sel et poivre, herbes coupées et huile d’olive. De quoi rafraîchir le palais et pouvoir terminer sur une note souvent de pralines, le plus souvent sous forme de tarte.

La gastronomie lyonnaise aujourd’hui

Lyon est entourée de 67 appellations d’origine contrôlée, dont plusieurs de vins et compte 4 300 restaurants dont 15 étoilés, et fut le berceau de Paul Bocuse.
Naturellement au cœur de la Vallée de la Gastronomie reliant Dijon à Marseille, elle accueille le SIRHA (Salon International de la Restauration et de l’Hôtellerie) ainsi que la Biennale du Goût.
La Région Auvergne-Rhône-Alpes se classe juste après l’Île-de-France en nombre de restaurants étoilés, avec 94 chefs ayant décroché le sésame.

Saint-Jean @Pauline Gonnet
Saint-Jean @Pauline Gonnet

Lyon continue de faire vivre autant ses traditions au travers de ses bouchons dont l’âme est activement préservée, tout autant qu’elle nourrit le dynamisme culinaire moderne avec de nombreux établissements rivalisant de talent et d’ingéniosité.
Vivement la réouverture de ces lieux mythiques !

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