Les écrivains et le vin : Baudelaire

Les écrivains et le vin : Baudelaire

Pourquoi les poètes aiment-ils tellement parler du vin ? Pourquoi les écrivains dégustent et même deviennent parfois viticulteurs ou propriétaires d’un vignoble ? Peut-être parce-que derrière chaque vin, il y a une histoire à raconter, une émotion à décortiquer et retranscrire, des hommes et des femmes à décrire et des vies à romancer comme autant de cépages et de vignobles qui se mêlent au fil du temps.

Pour chercher le mot juste, il faut affûter son palais autant que sa plume et c’est ainsi que l’on trouve souvent chez les écrivains une véritable passion pour les breuvages, les robes et les parfums du vin. A bien des égards, l’art de l’écriture rejoint celui du vigneron. Savant mélange des expressions du terroir, passion partagée, ajustement des assemblages, patience, attente avant un retour du public… Les sens en éveil, l’écrivain aime boire sans s’enivrer, préférant s’amouracher d’une région ou d’une appellation. Partons ensemble à la découverte de ces écrivains qui nous entraînent vers des voyages littéraires à travers un verre ou une gorgée, qui vendangent les mots de la langue française pour n’en garder que le meilleur et créent chez nous une émotion comme le plus fin des grands vins.

Le vin, un exhausteur de vie

Lorsque l’on évoque Baudelaire, de nombreuses citations autour du vin nous parviennent. C’est à lui que l’on doit notamment : Boire du vin, c’est boire du génie.

Né en 1821 à Paris, Charles Baudelaire a 20 ans lorsqu’il est arraché de son cercle littéraire et du club de poésie qu’il fréquente assidûment. Son beau-père, qui voit d’un mauvais œil ce milieu, l’envoie aux Indes. A son retour, il erre et découvre Edgar Allan Poe dont il traduira de nombreux textes et devient également critique d’art. C’est en 1857 qu’il publie ses textes les plus célèbres dans le recueil de poésie Les fleurs du mal qui lui vaudra à l’époque une amende pour atteinte à la morale et aux bonnes mœurs.

Loin d’abuser de l’alcool, Baudelaire y parle du vin comme d’"un exhausteur de vie", un appel au voyage et à l’évasion, afin d’échapper à son rang social. Il sera un des rares poètes de l’époque à mettre en lumière le vin tout en restant sobre. Contrairement à une grande partie de son œuvre tournée vers les sensations et les lumières, Baudelaire ne décrit jamais le vin dans ses poèmes, préférant mettre en avant son rôle de chasse-spleen, expression qui aurait été d’ailleurs suggéré par Odilon Redon, peintre symboliste ayant illustré Les fleurs du mal pour nommer le célèbre cru bourgeois de Moulis-en-Médoc.

Le vin, une source d’inspiration

Baudelaire est un passionné du vin et il lui trouve beaucoup de qualités en n'hésitant pas à écrire : Enivrez-vous. Il faut être toujours ivre, tout est là  ; C’est l’unique question. Pour ne pas Sentir l’horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers Terre, il faut vous enivrer sans trêve. Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous. Ici le verbe enivrer ayant plutôt pour sens le fait de s’enthousiasmer, de se réjouir, de faire preuve d’excitation et de remplir sa vie de petites joies simples. Un des rares poèmes optimistes de Baudelaire qui voit le vin comme une véritable bénédiction pour la société de ces contemporains.

Dans un poème des Fleurs du mal, L’âme du vin, il délivre une véritable déclaration d’amour au vin où il fait parler le breuvage :

Un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles :
Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
Un chant plein de lumière et de fraternité !

Tout comme dans Les paradis artificiels :
Homme, mon bien-aimé, je veux pousser vers toi, en dépit de ma prison de verre et de mes verrous de liège, un chant plein de fraternité, un chant plein de joie, de lumière et d’espérance. Je ne suis point ingrat ; je sais que je te dois la vie. Je sais ce qu’il t’en a coûté de labeur et de soleil sur les épaules. Tu m’as donné la vie, je t’en récompenserai.

Pas moins de 5 poèmes composent la section Le Vin dans le recueil Les fleurs du mal : le vin du solitaire, l’âme du vin, le vin des chiffonniers (décrivant le bonheur des ouvriers de s’enivrer après le dur labeur), le vin de l’assassin (où il parle d’un homme ayant tué sa femme pour pouvoir boire sans reproche : condamnant ainsi l’abus d’alcool et ses effets dramatiques) et le vin des amants.

Baudelaire était un fervent défenseur des petits cafés et des marchands de vin : une grande partie de son travail ayant été écrit sur les tables des bistrots parisiens, lieux de rencontre avec ses amis poètes et écrivains de l’époque. Si le vin disparaissait de la production humaine, je crois qu’il se ferait dans la santé et dans l’intelligence de notre planète un vide, une absence encore plus affreuse que tous les excès dont on le rend coupable.

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Article mis à jour par Marie Lallemand.

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