Connaissez-vous les vins blancs de l’AOC Saint-Joseph ?

Connaissez-vous les vins blancs de l’AOC Saint-Joseph ?

Réputé à juste titre pour ses vins rouges, puissants et fins, le cru Saint-Joseph est aussi un formidable pourvoyeur de bonheur avec des blancs racés, ronds, salins et minéraux, en tous points remarquables. En arpentant la “cordillère” de la Vallée du Rhône septentrionale à la recherche de la perle rare, vous rencontrerez à coup sûr ces fameux coteaux escarpés, ce Rhône majestueux et ces vignerons héroïques qui font la notoriété de l’appellation. Et comme moi, vous n’en reviendrez pas indemnes…

Les fameux coteaux escarpés de Saint-Joseph et le Rhône en arrière-plan - Crédit : Bertrand Perret
Les fameux coteaux escarpés de Saint-Joseph et le Rhône en arrière-plan - Crédit : Bertrand Perret

Exigeant par nature. C’est peu dire que le slogan tombe à pic. En vallée du Rhône, il suffit de lever les yeux pour comprendre. Saint-Joseph n’est pas une appellation comme les autres. Installé sur d’étroites terrasses essentiellement granitiques en pentes fortes, le vignoble offre à contempler aux promeneurs, autant qu’il fait souffrir les viticulteurs. On parle même de “vignobles héroïques”, un terme cher au CERVIM (Centre de Recherches, d'Etudes et de Valorisation de la Viticulture de Montagne à l’échelle européenne). A l’heure où l'on peut quasiment faire du vin sans la présence de l’homme sur les parcelles (taille et vendange mécaniques), cette communication sur le travail manuel, cette notion de “vigneron héroïque” est fondamentale pour l’appellation, détaille Joël Durand, vigneron à Châteaubourg et co-président de l’AOC Saint-Joseph, reconnue en 1956. Au final, une bouteille de Saint-Joseph peut paraître cher mais ne l’est certainement pas assez par rapport à l’engagement qu’il y a derrière et tout le travail pour faire perdurer cette viticulture ancestrale. On estime que le travail en coteaux exige au minimum 25% de temps supplémentaire dans les vignes.

Au bord du côteau d’Izeras, La Madone protège les vieilles vignes de 50 ans du domaine Verzier - Crédit : Philippe Verzier
Au bord du côteau d’Izeras, La Madone protège les vieilles vignes de 50 ans du domaine Verzier - Crédit : Philippe Verzier

Aujourd’hui, l’appellation regroupe 450 producteurs de raisins : une grosse centaine de caves particulières, une trentaine de négociants et deux caves coopératives. Les vins rouges y sont largement majoritaires et jouissent d’une réputation internationale mais la part des blancs en sortie de chais est exponentielle (de 9% en 2005 à 14% en 2020). Cette première halte dans l’extrême sud de l’appellation offre l’occasion de jauger la capacité de vieillissement de ces derniers, élaborés uniquement à partir de Marsanne et de Roussanne (Syrah pour les rouges). Après avoir croqué à pleines dents dans le millésime 2019 du domaine Durand, le 2017, très solaire, surfe sur l’identité d’un blanc méditerranéen avec un côté feuilleté, grillé, beurré, épicé et une salinité plus mesurée. L’ensemble est consistant, révélateur d’un blanc de gastronomie. Les grands chefs ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, à l’image de Yannick Alléno, triplement étoilé, inspiré et perfectionniste qui a même créé son domaine Y/M avec l’inoxydable Michel Chapoutier, l’un des vignerons rhodaniens les plus engagés et militants.

Il faut une rigueur, un dévouement sans faille et des p…. de mollets pour être vigneron à Saint-Joseph !

Historiquement, les vins de l’AOC ont déjà de la bouteille. Connus sous le nom de Vins de Mauves au Moyen-Age, ils ont été (re)baptisés Saint-Joseph par les Jésuites au XVIIème siècle. Victor Hugo en a même fait boire à Jean Valjean dans l’un de ses plus célèbres romans, Les Misérables, en 1862. Autant dire que sur place, les chevaux de traie et les charrues ne sont pas une incongruité, ni un anachronisme bien au contraire. Christophe Blanc, ancien maçon devenu vigneron à Saint-Michel-sur-Rhône, en atteste avec une gouaille et une bonhommie déconcertantes : Les copains de Gigondas nous appellent “les jardiniers du Nord” pour plaisanter. Quand je me suis installé, je ne savais pas où je mettais les pieds mais j’ai vite compris que je devais me mettre au régime (il pouffe). En résumé, il faut une rigueur, un dévouement sans faille et des p…. de mollets pour être vigneron à Saint-Joseph ! Les rires fusent en dégustant son blanc Brayonnette 2016 aux arômes mielleux, de fruits jaunes et de fragrances de fleurs. La finale, longue et aromatique, offre une pause rafraichissante avant de repartir dans le vif du sujet.

Le vignoble s’étend de Chavanay au Nord à Guilherand au Sud - Crédit : Olivier Roux
Le vignoble s’étend de Chavanay au Nord à Guilherand au Sud - Crédit : Olivier Roux

Le Chili de la Vallée du Rhône

Ici, on travaille différemment, on pense différemment. Quelle autre appellation a pris le risque, dans les années 90, de se restructurer en profondeur pour gagner en qualité ? La zone a été redéfinie pour être ramenée à environ 3000 ha de potentiel de plantation contre 7000 auparavant, se souvient Joël Durand. Ça a été un travail très long, compliqué mais aujourd’hui, tout le monde s’en félicite car ça a permis de replanter des coteaux avec de l’accompagnement pour les réaménager de façon collective, et surtout ça a créé une dynamique positive qui a fait naitre l’appellation telle qu’elle est aujourd’hui. Le cru Saint-Joseph est en effet sur une belle dynamique commerciale (si l’on excepte évidemment la crise sanitaire qui a freiné l’élan). Il n’est plus seulement le vin servi dans les bouchons lyonnais il y a 40 ans. Les marchés exports s’y intéressent de près car le rapport qualité-prix y est beaucoup plus intéressant que ses voisins plus prestigieux comme Cornas, Condrieu ou Côte-Rôtie. De Chavanay au nord à Guilherand au sud, le vignoble suit inlassablement le cours du Rhône, sur 60 kms de long, une particularité qui lui vaut le surnom de Chili de la Vallée du Rhône. Outre un climat tempéré, voire sec pendant les deux mois d’été, l’appellation est marquée par la combinaison d’influences continentales et méditerranéennes. Le climat va plus apporter le côté juteux sur une année plus humide et le côté plus riche sur une année plus sèche, poursuit Joël Durand.

Typicité : amertume, acidité, fraîcheur aromatique et gourmandise

Mais alors quelle typicité offre les blancs de St Jo ? Ce sont des vins gras qui ont une vraie texture et une minéralité très appréciée des consommateurs, analyse Jérôme Coursodon, vigneron au domaine du même nom (17 ha dont 2,5 en blanc) à Mauves. Et ils se caractérisent par une belle amertume, très peu d’acidité et une fraîcheur aromatique assez incroyable. C’est le côté magique de nos terroirs. L’occasion de mettre en avant le dernier millésime de sa cuvée Silice. Très floral, sur des notes de pêche et d’abricot, l’ensemble se révèle opulent, riche, gras avec une attaque qui ne peut laisser indifférent. Certains blancs, appelés à vieillir, se paient même le luxe de regarder des rouges droit dans les étiquettes, sans s’oxyder. Comme cette cuvée le Paradis Saint-Pierre 2012 (Coursodon), un blanc gourmand, miellé, où l’amande amère et les épices jonglent avec nos papilles. Depuis le début des années 2000, les ventes de blancs sont en hausse via le circuit traditionnel, prolonge Philippe Verzier, vigneron à Chavanay, le terroir le plus septentrional de l’appellation. Les raisons sont à la fois techniques grâce à une meilleure maitrise globale des vinifications et conjoncturelles avec un engouement du consommateur pour les vins blancs. Sur son domaine, la cuvée Granit rencontre un franc succès. Le 2019 allie richesse aromatique et notes minérales, d’acacia et d’amande, le 2013 est une ode à la fraîcheur, le marqueur des blancs de garde du coin.

Le millésime 2012 de la cuvée “Le Paradis St Pierre” du Domaine Coursodon - Crédit : Yoann Palej
Le millésime 2012 de la cuvée “Le Paradis St Pierre” du Domaine Coursodon - Crédit : Yoann Palej

L’esprit Saint-Joseph, c’est la famille, la tradition, cette relation particulière avec le client

Si les caves particulières offrent une vraie diversité pour les amoureux de Saint-Joseph, les deux coopératives que sont la cave de Tain-L’Hermitage et celle de Saint-Désirat ne sont pas en reste. Cette dernière vinifie d’ailleurs environ 40 % des 50 000 hectolitres de St Jo récoltés. En 2017, on a modernisé le caveau et depuis quelques mois, deux jeunes œnologues étrangers (un Grec et un Argentin) sont venus apporter leur regard neuf sur le cru, explique Marc Nourissat, le directeur commercial. La cuvée Côte-Diane 2019 est un exemple de gourmandise : une attaque franche, des notes boisées, vanillées et beurrées, et une finale longue qui laisse entrevoir un beau potentiel dans le temps. Enfin retour au Nord, à Chavanay, à la rencontre des Vins de Vienne, créés en 1996. Cette association de trois vignerons emblématiques (Yves Cuilleron, François Villard et Pierre Gaillard) porte également haut l’étendard de l’appellation. En 2000, La Pyramide, le restaurant doublement étoilé de Patrick Henriroux à Vienne, a d’ailleurs offert une superbe vitrine d’exposition aux vignobles replantés de Seyssuel. Dans la cave, on peut trouver L’Elouède 2019 (Roussanne 70%, Marsanne 30%), un vin rond, équilibré, aux parfums de jasmin et de fruits mûrs à chair blanche. Mais aussi un 100% Roussanne Le Biez aux senteurs d’abricot et d’aubépine qui a de l’ambition. A l’image de l’appellation. Ce jeune vignoble a le vent en poupe mais ne veut pas perdre le fil : L’esprit Saint-Joseph, c’est la famille, la tradition, cette relation particulière avec le client, conclut Joël Durand. Ici, tout le monde est le bienvenu ! Vous savez ce qu’il vous reste à faire…

L’AOC Saint-Joseph en bref

L’appellation Saint-Joseph s’épanouit sur une cinquantaine de kilomètres sur la rive droite du Rhône. Elle s’étire sur 26 communes en longeant les départements de l’Ardèche et de la Loire. Vignoble classé en Appellation d’Origine Contrôlée depuis 1956, Saint-Joseph déroule ses vignes sur les pentes granitiques des coteaux escarpés jusqu’au Rhône. Connue pour ses vins rouges issus du cépage syrah, l’appellation produit également 10% de vins blancs qui mêlent avec finesse les cépages marsanne et roussanne. L'appellation fait la liaison entre les prestigieuses AOC Condrieu et Côte-Rôtie au nord, et celle de Cornas au sud. En coteau, face au versant de l'Hermitage, le vignoble est implanté sur des terrains de granites, de gneiss, de micaschistes, soutenus par des murets. Il est à l'origine de vins rouges tendres ou solides et puissants, et de vins blancs racés.
- Surface totale en 2019 : 1348 hectares (1262 en rouge et 201 en blanc) contre 1198 en 2010
- Récolte totale en 2019 : 50 208 hectolitres (43 320 en rouge et 6 888 en blanc) contre 39 051 en 2010

La liste des domaines et caves rencontrés

- Le domaine Durand à Châteaubourg (Joël Durand)
- Le domaine Coursodon à Mauves (Jérôme Coursodon)
- La Cave coopérative de Saint-Désirat (Marc Nourissat)
- Le domaine Verzier à Chavanay (Philippe Verzier)
- Les Vins de Vienne à Chavanay (Marie-Mélodie Condette)
- Le domaine Blanc à Saint-Michel-sur-Rhône (Christophe Blanc)

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