Qu’est-ce que la fermentation malolactique ?

Qu’est-ce que la fermentation malolactique ?

Si la fermentation alcoolique est essentielle et nécessaire à l’élaboration du vin, la fermentation malolactique, plus mystérieuse et facultative, confère à certains vins ce petit supplément d’âme, de rondeur et d’arômes. Tout, tout, tout, vous saurez tout sur la malo !

C’est le printemps ! Quand l’hiver finissait dans les chais, les vins se remettaient à “travailler”. Sans que l’on sache trop pourquoi. Quelques décennies plus tard, la fermentation malolactique, “la malo” ou FML dans le jargon des initiés, a révélé ses secrets et ses atouts et elle résulte aujourd’hui d’un choix stratégique qui définit un certain style de vins. Fréquente dans les vignobles septentrionaux et sur les vins rouges, plus rare au sud et sur les blancs, usuelle en Champagne, la fermentation malolactique consiste en la dégradation d’acide malique en acide lactique sous l’effet de bactéries dites lactiques. Un process recherché ou au contraire évité selon les vins, les appellations et les vignerons.

La malo, un peu d’Histoire et quelques principes

Incorrectement appelée seconde fermentation car elle engendre une réapparition de gaz, la fermentation malolactique fut longtemps mystérieuse et imprévisible. “Les levures font le vin et les bactéries le détruisent” disait Pasteur, qui a été un des premiers à émettre l’hypothèse de “levures lactiques” et à décrire leur activité jugée plutôt négative. A la fin du XIXème et au début du XXème siècle, le rôle de ces bactéries dans la désacidification des vins est mis en évidence mais c’est Jean Ribéreau-Gayon et Emile Peynaud, “pères de l’œnologie moderne”, qui ont démontré dans les années 40 l’intérêt des bactéries lactiques et de la fermentation malolactique pour améliorer la qualité des vins. Maîtrisée dans les années 60-70, la FML est une étape cruciale mais non obligatoire qui va jouer sur l’acidité, les arômes et la stabilisation des vins.

FML, quoi, quand, comment ?

HO 2C-CH 2-CHOH-CO 2H --> HO 2C-CHOH-CH 3 + CO 2. Telle est l’équation chimique qui régit la fermentation malolactique qui transforme, sous l’action de bactéries anaérobies appartenant au genre Lactobacillus, en particulier Oenococcus oeni, l’acide malique en acide lactique avec libération de CO2. C’est une réaction athermique qui se déroule naturellement souvent au mois de mars, à la fin de l’hiver quand les températures remontent. Le processus peut se déclencher et se dérouler en cuve, en fût ou en foudre à partir du microbiote du raisin, de germes présents dans des lies ayant déjà fait une malo ou par mélange de cuves. Elle peut aussi être déclenchée, parfois dès la fin de la fermentation alcoolique, par ensemencement avec des bactéries lactiques.
Comme souvent en œnologie, tout est question d’équilibre et si la fermentation malolactique est recherchée dans de nombreux vins, rouges notamment, elle peut, si elle est mal maîtrisée, “déraper” et générer différents défauts : piqûre lactique si les bactéries lactiques fermentent les sucres, maladie de la tourne, maladie de l’amertume, maladie de la graisse, ou encore production de phénols ou de “goût de souris”…

Beurre et rondeur

Si elle reste parfois capricieuse, la fermentation malolactique est recherchée par certains vignerons et œnologues et obligatoire dans certains cahiers des charges d’appellation. Elle s’impose sur les vins rouges auxquels la FML apporte souplesse et rondeur tout en stabilisant, d’un point de vue microbiologique, le vin.
Sur les vins blancs, elle se pratique plutôt dans les vignobles septentrionaux et permet de diminuer l’acidité des vins. Mais son effet est variable selon les cépages : le Chardonnay tire avantage de la malo révélant des arômes beurrés alors que la richesse en arômes variétaux du Sauvignon l’y rend moins propice. Le débat reste ouvert sur les rosés, où la malo reste rare. La “malo” comme d’autres étapes dans l’élaboration d’un vin, reste le fruit d’une savante alchimie entre le terroir, le cépage et l’homme.

La malo à Bordeaux : une tradition au Château de Ferrand (Saint Emilion)

Grand Cru Classé de Saint-Emilion, le Château de Ferrand propose un grand et un second vin mais aussi une offre oenotouristique complète et une originale BIC Art Collection. Interview.

Crédits photos : Thierry Parant et Gérard Uféras
Crédits photos : Thierry Parant et Gérard Uféras

La fermentation malolactique en quelques mots ?

Château de Ferrand : La fermentation malolactique n’est pas, à proprement parler, une fermentation mais plutôt une transformation de l’acide malique en acide lactique par les bactéries du genre Oenococcus Oeni. L’acide malique a un pool acidifiant légèrement plus élevé que celui de l’acide lactique, cette fermentation apporte rondeur et diminue très légèrement la sensation d’acidité en bouche. Les bactéries sont naturellement présentes dans le vin, mais il est possible d’en ajouter pour être sûr qu’elle ait lieu.

Crédit photo : Guillaume de Tapol
Crédit photo : Guillaume de Tapol

La fermentation malolactique est usuelle en Bordelais, depuis quand, pourquoi, comment ?

Château de Ferrand : La malo est usuelle dans le bordelais et plus généralement en France et à l’étranger pour tous les vins rouges car elle stabilise le vin. En effet, il est primordial de dégrader l’ensemble de l’acide malique dans le vin, sinon il pourrait servir de substrat aux bactéries ou levures, une fois mis en bouteille et créer des déviances microbiologiques et donc l’apparition de défauts dans le vin.

Qu'est-ce que la FML apporte spécifiquement sur vos cuvées ?

Château de Ferrand : La FML est réalisée sur toutes nos cuvées. Elle apporte donc plus de rondeur du fait de la diminution de la sensation d’acidité, on lui attribue souvent des notes lactées/beurrées et surtout elle stabilise les vins microbiologiquement.

La malo dans l’Hérault : la Diva du Domaine Terre des Dames

Néerlandaise travaillant dans la pub, Lidewij Van Wilgen a repris il y a 20 ans un domaine viticole à l’abandon à Murviel. Sur des rochers, à l’abri d’une colline, elle élabore, avec le soutien actif de ses deux filles, des vins de haute volée qui reflète son esprit libre et un terroir d’exception. Une Terre des Dames qui porte bien son nom et haut ses ambitions. Interview.

La fermentation malolactique en quelques mots ?

LvW : une technique pour donner plus de personnalité à un vin blanc.

Pourquoi avoir choisi de faire une fermentation malolactique sur certains des vins de Terre des Dames ? En quoi est ce atypique en Languedoc ?

LvW : J’élabore deux vins blancs 100% Grenache blanc. La Dame Blanche est issue de raisins provenant de vignes plus jeunes et est vinifiée en cuve, car j’aime justement préserver le côté vif et floral du cépage. Pour la Diva Blanche, j'adore au contraire la complexité qu'apporte la FML au Grenache Blanc. C'est atypique en Languedoc, car il y a rarement assez d'acidité pour pouvoir le faire. J'ai de la chance d'avoir de l'eau souterraine, ce qui donne une belle acidité.

Qu'est ce que la FML apporte spécifiquement sur votre Diva Blanche ?

LvW : La Diva Blanche se caractérise d'abord par sa fraîcheur, sa minéralité, avec des notes florales et de citron confit. La FML donne des arômes secondaires de beurre, pain grillé, brioche. C'est plutôt aérien, avec une légère fin de bouche d'amande amère. Le bois, barrique de 600 L, d'un grain très fin (Damy, Meursault) est à peine perceptible.

La cuvée Diva Terre des Dames - Crédit Terre des Dames
La cuvée Diva Terre des Dames - Crédit Terre des Dames

FML à la champenoise : l’exemple du Boizel Ultime Zéro

Installée au 46 avenue de Champagne à Epernay, Boizel est une maison de champagne familiale, avec la 6ème génération aux commandes, connue pour ses cuvées mariant équilibre et caractère mais qui promeut avant tout la notion de Champagne de plaisir et de partage.

La fermentation malolactique en quelques mots ?

Boizel : Transformation de l’acide malique, celui de la pomme qui apporte une impression de fruité et de fraicheur, en acide lactique, qui apporte gras et rondeur au vin. Une étape importante pour les Champagnes Boizel.

La cuvée Boizel Ultime Zéro - Crédit Boizel
La cuvée Boizel Ultime Zéro - Crédit Boizel

La fermentation malolactique est fréquente en Champagne, depuis quand, pourquoi, comment ?

Boizel : La fermentation malolactique est en fait un phénomène naturel par l’action de bactéries. En Champagne, historiquement, elle se faisait souvent à la sortie de l’hiver quand les températures remontent, on disait que les vins travaillaient sans comprendre vraiment le phénomène.
Aujourd’hui c’est une étape maitrisée, bloquée ou pas par le vinificateur en fonction de l’année et du style de vins recherché. Chez Boizel, nous faisons le choix de la fermentation malolactique pour apporter gras et rondeur et enrichir la palette aromatique de nos vins. Pour rechercher la fraicheur, nous jouons sur d’autres critères comme la sélection des crus avec une prédominance des terroirs crayeux dans nos assemblages.

Qu'est-ce que la FML apporte spécifiquement sur vos cuvées ?

Boizel : Pour notre cuvée Boizel Ultime Zéro, nous sélectionnons uniquement des vins clairs ayant fait la malo. Pour cette cuvée sans dosage au long vieillissement sur lies (5 ans en bouteille), cela apporte du gras, de la rondeur, de la matière. Cela élargit aussi la palette aromatique vers des arômes secondaires comme l’amande, le caramel au lait ou la brioche.

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