Les vendanges en Alsace : un grand millésime en gestation

Les vendanges en Alsace : un grand millésime en gestation

Année viticole parfaite, peu de mildiou contrairement à ailleurs, vendanges sous le soleil. Qualité et volume sont au rendez-vous en Alsace pour le millésime 2018.

Autrefois, on aurait dit : du jamais-vu !

L'ouverture du ban des vendanges a eu lieu le 22 août 2018 pour le crémant et le 3 septembre pour les autres vins. On mesure le chemin parcouru puisque, dans les années cinquante, les vendanges avaient lieu systématiquement en octobre. Mais depuis une dizaine d'années, le cas est un peu plus fréquent. Le millésime 2017 déjà avait le même profil, mais ensuite, il faut tout de même remonter à 2003.

Contrecoup du gel qui avait largement touché l'Alsace en 2017, la récolte était partie pour être très abondante selon un scénario des plus classiques : les vignes n'ayant pas pu produire l'année précédente déversent toute leur énergie accumulée l'année suivante. De surcroît, la floraison avait été abondante et en avance d'une dizaine de jours. Mais c'était sans compter avec la dure sécheresse de l'été, de l'échaudage a même été constaté dans la plaine de la Hardt, qui a calmé le jeu et fait resurgir le vieux serpent de mer, la question de l'irrigation.

Si le volume de production n'est pas connu avant fin décembre, les producteurs ont jusqu'au 15 décembre pour leurs déclarations de récolte, il surpassera largement les 907 000 hectolitres de la faible récolte 2017, probablement de plus de 20 %. Et donc dépasserait largement le million d'hectolitres, ce qui met un peu de baume au cœur après les maigres récoltes de 2013, 2014, 2015 et 2017.

Où trouver des vendangeurs ?

En Alsace, l'essentiel des vendanges est manuel avec plus de 20 000 saisonniers. Avant, les vendangeurs se présentaient spontanément. Ce n'est plus le cas. Les vendanges précoces associées à la fin de l'exonération des charges sociales, qui rend les salaires moins attractifs, ont mis beaucoup de producteurs en difficulté. Une cellule Alsace Vendanges a bien été installée dans les locaux de l'agence Pôle-Emploi de Colmar, et le département a accepté que les bénéficiaires du RSA puissent le cumuler avec leur salaire, mais le vendangeur se fait rare d'autant que les normes d'hébergement sont un autre souci.

Rappelons que ce sont les normes de l'hôtellerie qui s'appliquent au logement des vendangeurs et non celles des gîtes ruraux. Du coup, peu de producteurs peuvent loger leurs vendangeurs d'autant que les contrôles sont particulièrement tatillons. En Alsace plus qu'ailleurs.

Des vendanges saines et sous le soleil

A part quelques orages de grêle locaux comme dans le grand cru Schlossberg et des parcelles qui ont souffert de sécheresse, les vins d'Alsace 2018 démarrent avec un grand pied. Contrairement à d'autres régions et en particulier le sud-ouest de la France, l'Alsace a été peu touchée par le mildiou. Tout au plus au début juillet, le mildiou mosaïque a fait une légère apparition en raison de matinées humides.

Les vendanges se sont déroulées avec un soleil éclatant et un état sanitaire exceptionnel des raisins. Pas un seul grain de pourri ! En conséquence, les vins sont nets et les richesses en sucre sont élevées, mais les acidités sont plutôt basses avec pour conséquence des vins gourmands et précoces. D'ailleurs, l'Alsace a autorisé l'acidification à titre exceptionnel.

Le grand gagnant du millésime est la famille des pinots, et en particulier les pinots gris et pinots noirs, mais aussi les sympathiques pinots blancs. Petit bémol, les rendements sont très élevés et même certaines vignes de pinots blancs et gris n'ont pas été vendangées pour ne pas dépasser les plafonds de rendements. Ils ne seront donc grands que chez les producteurs qui savent maîtriser les rendements ; les autres élaboreront des vins charmants et faciles à boire.

Cette grande année du pinot noir confortera la région dans son orientation récente pour la production de vins rouges, et même de grands vins rouges. La chaleur du millésime 2003 avait instauré une ère nouvelle à des années-lumière des aimables rosés d'autrefois, et depuis, les rouges sont lancés. Marc Beyer du domaine Léon Beyer qui en produit peu, mais de très haute qualité, confirme leur grande aptitude :  nous les avons vendangés de 12° à 17° : et en plus, ils ont fermenté jusqu'au bout ! .

Malgré l'effet millésime, grâce à leurs acidités naturelles, les rieslings et les sylvaners s'en sortent toujours, tout comme les grands terroirs calcaires. Mais il fallait savoir les attendre. De ce point de vue, les grands rieslings 2018 ressemblent beaucoup au légendaire millésime 1983, sans pluie pendant cinq mois, et toujours en grande forme.

La météo calée sur grand beau et l'exceptionnel état sanitaire des raisins a été très favorable aux vendanges tardives avec des richesses potentielles élevées proches des grains nobles d'autant que les journées étaient chaudes, mais les nuits fraîches. En revanche, la pourriture noble était rare en raison du manque d'humidité :  nous n'avons élaboré qu'un gewurztraminer qui a la richesse d'un grain noble, mais que nous déclasserons probablement en vendanges tardives , souligne Catherine Faller du domaine Weinbach.

Pour Marc Beyer, le millésime 2018 est sur la voie du mythique 1971 :  même passerillage, même état sanitaire parfait, mêmes densités sur les parcelles où les rendements sont tenus . En conclusion, un grand millésime 2018 en Alsace, probablement un très grand même.

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