Les écrivains et le vin : Montesquieu, le vigneron philosophe

Les écrivains et le vin : Montesquieu, le vigneron philosophe

Né en Guyenne, le 18 janvier 1669, Charles Louis de Secondat est le vrai nom du futur baron de Montesquieu. Après des études de droit, il devient conseiller au parlement de Bordeaux en 1714. A la mort de son oncle, il hérite du titre de Baron de La Brède à 24 ans. Montesquieu se fait alors un point d’honneur à conserver son indépendance financière. Si la plupart des grands écrivains de son siècle vivent de la générosité de grands mécènes, lui vivra des fruits de ses terres, ce qui lui laisse toute sa liberté d’expression. C’est pourquoi il souhaite rapidement et pour longtemps s’occuper et diriger le château de La Brède, ses vignes ainsi que les différentes activités agricoles et forestières.

Le Château de la Brède, demeure de Montesquieu
Le Château de la Brède, demeure de Montesquieu

Montesquieu vit alors comme un vigneron au rythme des saisons et des cycles végétatifs de la vigne. Il aime passionnément son domaine, ses landes, les paysans, ses compatriotes et leur patois gascon. Je n’ai pas aimé à faire ma fortune par le moyen de la cour, disait-il, j’ai songé à le faire en faisant valoir mes terres.

Son attrait pour les sciences le rend curieux également des différents phénomènes à prendre en compte pour obtenir un bon vin. Entré à l’académie Royale des Sciences, Belles Lettres et Arts de Bordeaux, il acquiert de grandes connaissances scientifiques qui lui servent dans cet objectif. Il fait alors composer ce qui s’apparente au premier dictionnaire du vin du 18ème suite à une étude pratique sur le métier des vignerons de la région. Il récolte les réponses à ce questionnaire de 29 interrogations pour toujours améliorer son vin et comprendre entre autres : "Quels sont les cépages les mieux adaptés aux sols de la Brède ?", "Quelle est la meilleure période pour vendanger ?", "Comment faut-il tailler ?", "Quand ?", "Faut-il effeuiller ?", "Ebourgeonner ?", "Epamprer ?". Des évidences, aujourd’hui puisque fondamentales, mais très avant-gardistes pour son époque.

Montesquieu est aussi un féru de voyages qui lui permettent de découvrir différentes cultures et modes de pensées et lui offrent l’occasion de se constituer un solide réseau pour la vente de ses vins, notamment en Angleterre. Mais il met un point d’honneur à revenir sur le château pour les vendanges. Véritable marchand et ambassadeur des vins de Bordeaux à travers le monde, il vend lui-même son vin, donne des accords mets et vin et explique de ne pas le transformer en le coupant ou le sucrant comme le font certains de ses contemporains à cette époque. A ses amis, il disait de son domaine : C'est le plus beau lieu que je connaisse, vous me parleriez du monde... je vous parlerais de La Brède.

Ayant acquis une grande notoriété depuis la parution des Lettres Persanes en 1721, c’est assez naturellement que Montesquieu se fait le porte-plume des vignerons bordelais. Sa plus grande affaire est celle de 1727, lorsqu’il s’oppose à l’interdiction de plantation ordonnée par l’intendant Boucher suite à de graves crises de surproduction. Il écrit alors un mémoire semblable à une étude de marché sur la concurrence et les débouchés commerciaux internationaux des vins de Bordeaux, en guise de plaidoyer pour dénoncer le manque de discernement stratégique d’une telle interdiction.

Ses plus grands ouvrages associent histoire et philosophie politique comme De l’esprit des lois (1748) dans lequel il développe sa réflexion sur la répartition des fonctions de l'État. Il est un des penseurs sur lesquels s’appuient les grandes démocraties occidentales de l’époque avec le principe de séparation des pouvoirs.

Chez lui, Montesquieu se déplace avec un cep de vigne en guise de canne à travers les jardins du domaine où il aime contempler le château. Loin de mener une vie de châtelain en recevant beaucoup, il préfère le calme et la solitude de la demeure familiale pour travailler à sa rentabilité et à son entretien. S’il n’y change rien dans les intérieurs, il modifiera et façonnera un paysage à la perspective étonnante afin que les douves ne soient pas visibles depuis l’entrée sur la propriété et lorsqu’il se promène vers ses bosquets en parlant gascon aux paysans du coin.

A la fin de sa vie, il a constitué un domaine très performant de plusieurs centaines d’hectares répartis entre les graves, l’entre-deux-mers et l’agenais, pour lesquels il gère aussi la globalité de la vente des vins. Sur le fronton du premier pont, on peut lire, gravés dans la pierre, ces mots évocateurs : 0 rus, quando te aspiciam ! (0 campagne, quand te verrai-je !), qui traduisent les aspirations rurales de l'écrivain et son désir de séjourner à La Brède le plus souvent possible.

Il meurt à Paris en février 1755 en laissant une œuvre moderne qui établit les principes fondamentaux des sciences économiques et sociales et concentre toute la substance de la pensée libérale.
Pour prolonger la découverte du célèbre Montesquieu, le château de La Brède se visite ainsi que son parc.

Crédit photos : Lydie Bordenave - Les Ptea potes

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