Cépages méconnus : Le Corbeau

Cépages méconnus : Le Corbeau

Désormais presque oublié, le Corbeau a occupé pendant longtemps une place de choix dans le vignoble savoyard. Sa capacité à offrir une couleur sombre et intense aux vins qu'il produit a inspiré à ses viticulteurs de nombreux surnoms. Alors que Douce Noire est le plus célèbre en France, Charbonneau, son patronyme jurassien, a inspiré de multiples dérivés à travers le monde.

Une histoire mouvementée

S'il est principalement reconnu en Savoie, le Corbeau a été planté dans de nombreux départements français tels que le Jura, la Dordogne, la Charente, l'Ain, l'Isère, ou encore le Lot-et-Garonne. Il représente rapidement 922 hectares de superficie plantée, dont 499 en Savoie. Malheureusement, à l'instar d'autres cépages, l'année 1958 lui causera beaucoup de tort. Car c'est à cette époque qu'est menée par l'État une grande enquête sur le vignoble français et le Corbeau ne réunit pas les qualités requises pour intégrer le Catalogue officiel des variétés de vignes. Les dégustateurs agréés ne trouvent aucun intérêt à ce cépage d'assemblage, généralement utilisé pour apporter de la couleur aux vins qu'il produit.

Les conséquences seront terribles pour la Douce noire, sa surface plantée s'amenuisant par la suite d'année en année. Si bien qu'en 2006, on ne compte finalement plus qu'un demi-hectare au total. Mais son salut viendra d'un technicien à la chambre d'agriculture en retraite, Roger Raffin. Véritable passionné de diversité, il se bat pour la reconnaissance de cette variété oubliée et réussit, avec l'aide de chercheurs de l'INRA (Institut National de la Recherche Agronomique), à le faire reclasser, et donc replanter. Encore rare, elle représente tout de même aujourd'hui quelques hectares.

Un cépage voyageur

Longtemps tombé dans l'oubli, le Corbeau a pourtant parcouru bien plus de kilomètres qu'on pourrait le penser. En effet, des recherches de l'ampélographe Paul Truel ont démontré dès les années 60 que le Bonarda argentin, d'abord lié à son homonyme italien, était en réalité cette modeste variété savoyarde. Aussi surprenante soit-elle, notamment pour les viticulteurs locaux, cette information a été à nouveau confirmée en 2008 par les travaux de la Pr Martinez. Et la génétique a mis en lumière d'autres révélations sur la nature aventurière de ce cépage, démontrant que cette escapade argentine était loin d'être un coup d'essai. On le trouve ainsi en Californie, sous le nom de Xharbono, depuis le XIXème siècle, et en Vénétie en tant que Turca.

Dans le verre

De manière générale, le Corbeau est utilisé en assemblage où sa faible acidité et son manque de tanins sont synonymes d'apport de douceur. Il est le compagnon de cépages locaux emblématiques, le Persan et la Mondeuse. On le trouve rarement seul, mais il est capable de délivrer des vins sur le fruit, empreints de souplesse et peu alcoolisés. On apprécie particulièrement ses arômes de cerise noire, de fruits rouges parfois compotés, de violette, d'épices et de cigare. Plus complexe qu'il n'y paraît, il mérite que les amateurs avertis s'y intéressent de plus près.

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