Les vins rosés de saignée

Les vins rosés de saignée

Est-ce que vous pensez à Molière quand vous lisez le mot “saignée” ? En vinification, cette technique est surtout utilisée pour l’élaboration des vins rosés. Le moût est séparé du marc après quelques heures de macération, et vinifié séparément. La saignée permet une grande variation de couleurs, et souvent des styles plus vineux et complexes. Tour d’horizon de cette méthode vieille comme le vin !

Un terme médicinale évocateur

Peut-être avez-vous déjà entendu parler des vins dit de “saignée”, ou de la méthode de saignée dans l’élaboration d’un vin. Si ce n’est pas le cas, alors vous pensez sans doute au Malade Imaginaire de Molière et à cette pratique médicinale datant de l’Antiquité qui consiste en un prélèvement sanguin sur un malade pour soigner multitude de maux. La pièce de théâtre, justement, met en avant les excès de ces incisions prescrites à tout va.

Dans le vin, la méthode de la saignée consiste aussi à un prélèvement. On extrait le moût, après quelques heures de macération seulement, afin de le vinifier séparément du reste de la cuve. Une fois ramassés, les raisins vont baigner dans leur jus qui commence à se teinter de rosé, on décide alors de séparer une partie du jus qui fera ce fameux rosé de saignée. En général, le vin restant dans la cuve fera du vin rouge. Mais pour quoi faire ?

Les usages de la saignée

La saignée est bien connue pour l’élaboration du rosé mais c’est aussi une technique de concentration des vins rouges, l’une allant généralement avec l’autre.

Le rosé, en France, est un vin élaboré avec une grande majorité de cépages rouges, comme le grenache, le cinsault, le cabernet franc ou le pinot noir. On peut parfois ajouter un peu de jus provenant de raisins blanc, pour apporter d’autres arômes.

La couleur du rosé est beaucoup plus technique à obtenir qu’on ne peut l’imaginer, lorsqu'on le voit briller sur les tables de nos terrasses. Si vous laissez macérer vos raisins trop longtemps, le jus ressort foncé, comme le clairet de Bordeaux, si vous le pressez ou que vous saignez trop tôt, il peut parfois être très clair, voire blanc. On parle alors plutôt de blanc de noir. Une fois obtenue, la couleur est difficile à réajuster.

La saignée est une des techniques permettant d’obtenir un rosé, elle est souvent comparée aux rosés de pressurage qui proviennent non du délestage de la cuve mais du jus provenant de la presse des raisins raisins rouges juste après la récolte, on parle de pressurage direct. Le rosé de pressurage se fait comme un vin blanc mais avec des cépages rouges.

Les rosés de macération sont eux vinifiés comme des vins rouges, mais avec une macération plus courte. Il existe une autre technique, rare, qui consiste à vinifier des raisins rosés, comme le poulsard dans le Jura. Dans ce cas, la macération sera bien plus longue.

Les vins rouges bénéficient aussi de la saignée. Un peu comme le terme médicinale, la saignée peut être une manière d’améliorer l’état non du malade, mais du vin. Cette pratique a souvent été utilisée dans le bordelais par exemple, pour corser les vins. En enlevant le jus des premières heures de macération, on concentre les arômes dans la cuve parfois pour le meilleur et parfois à l’extrême, pouvant rendre les vins trop tanniques et déséquilibrés (lire notre article Dégustation, qu’est-ce que l’équilibre en bouche d’un vin ?). Le vin de saignée qui en résulte peut être rosé ou rouge, il est lui plus léger et moins complexe. Un peu comme la saignée prescrite chez le médecin, cette méthode mal usitée a perdu un peu de ses lettres de noblesse.

L’avantage des vins de saignée

Les vins de saignée ont connu une phase de macération à l’opposé des vins rosés de pressurage direct. Dans le cas des vins de saignée foncés, on trouve plus de gras, plus de tannins, plus de couleurs et des arômes plus intenses. On dit de ces vins qu’ils traversent le temps, comme les grands vins de Tavel, seul cru rosé, inclassable de la vallée du Rhône ! Malgré certains grands rosés foncés, avec la mode des rosés très clairs, elle est moins répandue aujourd’hui.
Les rouges issus de saignées sont moins tanniques, plus légers, parfaits pour les déjeuners d’été !

Comment savoir si on boit un rosé de saigné

Il n’est pas obligatoire de mentionner la méthode de vinification du vin sur la bouteille, il n’est donc pas facile de savoir lorsque l'on déguste un vin de saignée. Les vignerons, notamment à Bordeaux, ont longtemps été dans un vide juridictionnel car les raisins issus d’une parcelle ne peuvent être déclarés sur deux appellations différentes. Mais certains vignerons se démarquent justement en indiquant la saignée sur la bouteille, comme un gage de caractère.

A Tavel comme chez les clairets de Bordeaux, les rosés peuvent être de macération, de saignée ou un assemblage des deux. Les rosés de saignée sont en général d’une couleur plus framboise grenadine, ceux de macération seraient couleur cerise grenat, ça fait rêver non ?

Le Champagne rosé

Dans la famille des rosés foncés, de saignée, on trouve aussi les Champagnes rosés. Cette démarcation est intéressante dans ce cas précis car le Champagne rosé peut aussi être fait en mélangeant des vins tranquilles rouges et blanc, on parle alors de rosé d’assemblage.
Un Champagne rosé de saigné sera donc fait uniquement avec des cépages rouges (pinot noir, pinot meunier), il sera généralement plus complexe, plus vineux, parfait à table !

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