L'AOC Ventoux, la nouvelle locomotive de la Vallée du Rhône

L'AOC Ventoux, la nouvelle locomotive de la Vallée du Rhône

Reconnu AOC depuis 1973, le Ventoux coche toutes les cases d’une appellation en devenir : engagement vertueux, dynamisme et prise de conscience des acteurs locaux, profil de vins séduisant, attractivité du territoire, accessibilité foncière, ouverture d’esprit. Sous le regard protecteur du Géant de Provence, qui amène une fraicheur salvatrice en plein marasme climatique, Toutlevin a passé une journée riche en découvertes au sud de la Vallée du Rhône. Un vrai coup de cœur.

AOC Ventoux - Crédit : Norman.Kergoat/AOC Ventoux
AOC Ventoux - Crédit : Norman.Kergoat/AOC Ventoux

Campé sur ses solides versants, il aimante le regard. Le Mont Ventoux est un phare tantôt hostile quand il place l’homme (et surtout le cycliste) face à lui-même, tantôt hospitalier quand il imprime la rétine de son environnement naturel hors du commun. L’appellation est au cœur de deux parcs naturels régionaux (Mont-Ventoux et Lubéron) et de deux réserves de biosphère classées par l’UNESCO. Nous vignerons, nous en sommes les premiers témoins et les premiers bénéficiaires, se réjouit Frédéric Chaudière, le président de l’AOC Ventoux. Depuis un peu plus de deux ans, le vigneron du Château Pesquié (domaine historique de 95 ha en biodynamie et des vins souvent primés) a lancé un mouvement rassembleur autour de la protection du vivant, de l’attractivité du territoire et de la valorisation des vins via un profil unique en Vallée du Rhône. Les différents aléas climatiques ne doivent pas nous faire baisser les bras, poursuit-il. Bien au contraire, nous sommes convaincus d’avoir un rôle essentiel à jouer et c’est en impliquant tous les acteurs locaux que nous y parviendrons. Après plusieurs phases de consultation, une feuille de route sur la raison d’être de l’AOC a été actée.

Un président moteur, un collectif soudé, un plan d’action d’ici à 2030

la gamme complète du domaine Aymard affiche une sacrée élégance - Crédit photo : @Yoann Palej
la gamme complète du domaine Aymard affiche une sacrée élégance - Crédit photo : @Yoann Palej

D’ici 2030, les engagements portent entre autres sur la plantation de 30 000 arbres, le triplement des couverts végétaux, la réduction de 30% des émissions de gaz à effet de serre, le développement d’un réseau de consigne de bouteilles de verre, la réalisation d’un inventaire de la biodiversité, le renforcement de l’attractivité oenotouristique locale, etc… Et le passage au bio ? (Environ 20% de l’appellation déjà converti) On ne veut pas de décision clivante, juste une ligne directrice co-construite avec les vignerons, précise Marie Flassayer, la directrice. C’est ce que la profession a apprécié, relaie Carine Aymard du domaine éponyme à Carpentras. Le président a été moteur mais pas moralisateur et cela a fait beaucoup de bien à l’appellation Avec sa sœur, Anne-Laure, elles ont repris ce domaine de 30 ha avec l’envie de démontrer que le Ventoux, longtemps dans l’ombre de quelques imposants voisins, avait son mot à dire. Les vins ont cette souplesse et cette finesse que l’on ne retrouve nulle part ailleurs dans la région, ajoute-t-elle. Après dégustation de sa cuvée Les Grappes (vieux grenache et vieux cinsault, vinification en grappes entières), une friandise tout en pureté et en élégance, on aurait tendance à lui donner raison.

Le potentiel d’un grand terroir à blanc

La cave Clauvallis fait partie des 13 coopératives de l’appellation Ventoux -Crédit photo : @Yoann Palej
La cave Clauvallis fait partie des 13 coopératives de l’appellation Ventoux -Crédit photo : @Yoann Palej

Le vignoble, déployé sur 51 communes (bientôt 53 avec l’Isle-sur-la-Sorgue et Velleron), bénéficie d’un climat unique en vallée du Rhône, grâce au gradient thermique apporté par le mont Ventoux. La grande force de nos vins, ce sont leur fraîcheur naturelle et on doit le mettre en avant, relaie Teddy Saurel, œnologue conseil de la cave de Clauvallis, l’une des 13 coopératives de l’appellation (pour 130 caves particulières). Le changement climatique pousse d’ailleurs à la réflexion bon nombre de vignerons comme Stéphane Saurel du domaine Les Terrasses d’Eole. A la tête du GIEE Les hommes qui plantent des arbres, cet ancien agronome a mis au point un système d’information géographique intégrant 150 ans de données climatiques. L’idée étant de permettre aux vignerons de se projeter sur la manière de planter, le choix des cépages et de la couleur des vins. Actuellement, sur les 5700 hectares de surfaces revendiquées en AOC, le rouge représente 54%, le rosé 38% (pas d’effet d’aubaine !) et le blanc seulement 8%. Mais la donne risque de changer, notamment sur la proportion de blanc. On s’est aperçus qu’on avait un encépagement autour de 15% et qu’on avait donc la possibilité de doubler le potentiel de production, développe Frédéric Chaudière qui produit 20% de cette couleur au Château Pesquié.

Jeune génération, néo-vignerons et polyculture

Une partie des vignes du Château Juvenal au pied de la colline du Graveyron -Crédit photo : @Yoann Palej
Une partie des vignes du Château Juvenal au pied de la colline du Graveyron -Crédit photo : @Yoann Palej

Avec l’altitude et le calcaire, le Ventoux peut se révéler un grand terroir de blanc. La clairette (27% de l’encépagement) aime ce souffle froid et le rend bien dans la bouteille, en complément le plus souvent du grenache blanc, de la roussanne, et du bourboulenc. Ou même avec du viognier comme sur la cuvée Les Ribes de Vallat du Château Juvenal au pied de la petite colline du Graveyron. Avec cette bouteille pleine de vivacité, d’agrumes et de fleurs blanches, on a vraiment voulu mettre en avant un moment de dégustation, confie Mathieu Rabin le responsable commercial. C’est tout à fait l’esprit « Ventoux je trouve, du dynamisme, de la simplicité, de la fraicheur, du mordant ! » L’appellation, qui s’étend du pied du mont Ventoux et des dentelles de Montmirail aux confins du Luberon, a vu arriver sur les dix dernières années bon nombre de néo-vignerons connus (Patrick Chêne, l’ancien journaliste sportif, et son domaine Dambrun) ou venus du monde entier (Irlande, Ecosse, USA, Allemagne, Norvège, Canada, etc…), autant attirer par le cadre de vie que l’attrait foncier (25000 à 30000€ / ha actuellement). Et une jeune génération avec un regard différent sur la conduite du vignoble et le profil des vins, renchérit Carine Aymard qui va lancer une parcelle en agroforesterie sur une ancienne plantation de melons. Une véritable résurrection pour ce territoire loin d’être une mer de vigne puisque la polyculture y est inscrite dans les gênes (truffe noire, olive, raisin de table, cerise, abricot, figue, fraise) et traduit d’une nature généreuse et abondante. On a des beaux terroirs et une biodiversité que beaucoup nous envient, il est grand temps de montrer que cet équilibre est une force, conclut Mathieu Rabin en cueillant une jolie grappe de Muscat du Ventoux.

Deux des cuvées coup de cœur de la dégustation organisée par l’ODG -Crédit photo : @Yoann Palej
Deux des cuvées coup de cœur de la dégustation organisée par l’ODG -Crédit photo : @Yoann Palej

Toutlevin a (particulièrement) aimé :

• Domaine de Fondrèche / Il était une fois 2020 (rouge) (18)
• Château Pesquié / Silica 2019 (rouge) (17.5)
• Domaine Aymard / Les Grappes 2020 (rouge) (17.5)
• Château Juvenal / Les Ribes du Vallat 2021 et 2020 (blanc et rouge) (17)
• Domaine du Grand Jacquet / Les planètes 2020 (blanc) (16.5)
• Domaine Souleyrol / Philia 2020 (rouge) (16.5)
• Domaine Alloïs / Infiniment 2021 (rosé) (16)
• Clauvallis / Vallis Clausa 2020 (rouge) (15)

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